L'article L. 38, 1 du livre des procédures fiscales, qui prévoit que les agents habilités peuvent procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des pièces et documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux infractions visées par ce texte, autorisent la saisie de supports informatiques : cette possibilité de saisie n'est pas limitée à l'hypothèse particulière, prévue par l'article L. 38 4bis du même livre, où l'occupant des lieux fait obstacle à l'accès aux documents présents sur un tel support.
Cour de cassation, chambre commerciale
17 janvier 2018, pourvoi 16-25.078
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 13 octobre 2016, RG 16/03575), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des douanes à procéder à des visites avec saisies dans des locaux et des dépendances sis à Onnaing (59), constituant le domicile de Mme Z... et les sièges sociaux des sociétés Akillis, Akillis Saint-Honoré et Corely, afin de rechercher la preuve de la fraude qui aurait été commise par Mme Z... en matière de contributions indirectes et de taxes diverses s'appliquant à l'ouvrage de métaux précieux par le biais des sociétés Akillis et Akillis Saint-Honoré dont elle était gérante, et des sociétés Corely, FG Holding et FG Manufacture, dont elle détenait directement ou indirectement des titres sociaux ; qu'ayant réalisé les opérations de visite et de saisies sur les lieux, les 11 et 12 mai 2016, et l'inventaire, la saisie et la restitution de certaines des pièces en ses locaux, le 24 mai 2016, l'administration des douanes a dressé les procès-verbaux correspondants ; que M. Z... et Mmes Caroline et Annette Z... (les consorts Z...), les sociétés Akillis, Akillis Saint-Honoré, Corely, FG Manufacture et FG Holding (les sociétés) ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et demandé notamment l'annulation du procès-verbal du 24 mai 2016 et la restitution de certaines pièces ; que M. A... est intervenu à l'instance pour demander la restitution des espèces saisies ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Z..., M. A... et les sociétés font grief à l'ordonnance de rejeter leur demande d'annulation des opérations d'inventaire et de saisies pratiquées le 24 mai 2016 alors, selon le moyen, que l'annulation, sur le pourvoi n° 16-25.077, de l'ordonnance n° 16/03182 du 13 octobre 2016 confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 mai 2016 autorisant les agents de l'administration des douanes à procéder à des opérations de visites domiciliaires et saisies entraînera, par application de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation par voie de conséquences de la présente ordonnance ;
Mais attendu que le pourvoi n° 16-25.077 ayant été rejeté par arrêt n° 33 de ce jour, le moyen est sans portée ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts Z..., M. A... et les sociétés font grief à l'ordonnance de rejeter leur demande d'annulation de la saisie de deux ordinateurs et de restitution des copies réalisées par l'administration des douanes alors, selon le moyen, que l'article L. 38-4 bis du livre des procédures fiscales ne prévoit la possibilité de saisie des supports informatiques que par voie d'exception, dans le seul cas d'opposition de l'occupant des lieux, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et qu'ainsi, en considérant que les saisies de ces supports ont, en l'espèce, été régulières sans avoir relevé une telle opposition, la cour d'appel a violé les dispositions précitées de l'article 38-4 bis ;
Mais attendu que c'est à bon droit que le premier président a retenu que les dispositions de l'article L. 38-1 du livre des procédures fiscales, qui prévoient que les agents habilités peuvent procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des pièces et documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux infractions visées par ce texte, autorisent la saisie de supports informatiques et que celle-ci n'est pas limitée à l'hypothèse, prévue par l'article L. 38-4 du même livre, où l'occupant des lieux fait obstacle à l'accès aux documents présents sur un tel support ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... et Mmes Caroline et Annette Z..., M. A... et les sociétés Akillis, Akillis Saint-Honoré, Corely, FG Manufacture et FG Holding aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Akillis, Akillis Saint-Honoré, Corely, FG Manufacture et FG Holding, M. Z... et Mmes Caroline et Annette Z... et M. A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes d'annulation des opérations d'inventaire et de saisie pratiquées le 24 mai 2016 et de leur demande de restitution des documents et de pièces saisis ou copiés alors que l'annulation, sur le pourvoi n° P 16/25077, de l'ordonnance n° 1603182 du 13 octobre 2016 confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 mai 2016 autorisant les agents de l'administration des douanes à procéder à des opérations de visites domiciliaires et saisies entraînera, par application de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation par voie de conséquences de la présente ordonnance.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes d'annulation de l'ensemble des opérations d'inventaire et de saisie du 24 mai 2016 et de restitution des documents et pièces saisis ou copiés ;
AUX MOTIFS QUE s'il est bien exact que les agents des Douanes qui sont intervenus lors de la visite domiciliaire des 11 et 12 mai 2016 ont procédé à des opérations en dehors du ressort de compétence du juge des libertés et de la détention de Valenciennes, il ne s'agissait pas d'opérations de visite à proprement parler, mais d'opérations d'ouverture de scellés et d'inventaire, en exécution de la possibilité qui leur est donnée par l'article L. 38-4 du livre des procédures fiscales de placer des pièces et documents sous scellés et de ne procéder à leur ouverture et inventaire que postérieurement sans la présence obligatoire de l'occupant des lieux ou de son mandataire (ordonnance p. 5 alinéa 6) ;
ALORS QU'en prescrivant que la visite domiciliaire s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée et que lorsqu'elle a lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, ce juge doit délivrer une commission rogatoire, pour exercer ce contrôle, au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectuent les opérations, l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales a clairement entendu poser la règle que le contrôle du juge des libertés et de la détention ne se limite pas aux opérations de saisie stricto sensu, mais doit s'étendre à l'ensemble des opérations qui en sont les conséquences directes, notamment les opérations d'inventaire et d'exploitation des scellés, et qu'ainsi la cour d'appel de Douai a méconnu les prescriptions précitées de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes d'annulation de la saisie physique des deux ordinateurs et à la restitution des copies réalisées par la DNRED ;
AUX MOTIFS QUE le juge des libertés et de la détention de Valenciennes a prévu dans son ordonnance du 3 mai 2016 que les systèmes informatiques, supports informatiques ou électroniques et documents y afférents pourront être consultés, copiés et saisis par les agents habilités qu'il avait désignés et que cette possibilité est bien expressément prévue, de façon générale, par l'article L. 38-4 bis du LPF, sans être limitée aux seules hypothèses d'obstacle mis par l'occupant des lieux à l'accès aux documents présents sur ces supports informatiques (ordonnance p. 6 alinéas 5 et 6) ;
ALORS QUE le texte clair de cette disposition ne prévoit cette possibilité de saisie des supports informatiques que par voie d'exception, dans le seul cas d'opposition de l'occupant des lieux, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et qu'ainsi, en considérant que les saisies de ces supports ont, en l'espèce, été régulières sans avoir relevé une telle opposition, la cour d'appel a violé les dispositions précitées de l'article 38-4 bis.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir refusé d'ordonner la restitution des sommes saisies dans deux enveloppes ;
AU MOTIF QUE la juridiction ne détenait aucun élément sérieux lui permettant de déterminer à qui appartiennent ni les euros contenus dans l'enveloppe n° 2, ni les dollars américains contenus dans l'enveloppe n° 3 ;
qu'elle ne pouvait en conséquence en ordonner la restitution à M. David A... alors même que ces sommes avaient été régulièrement saisies en application de l'article L. 38-1 du Livre des procédures fiscales et sur la base de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 mai 2016 dans le cadre de l'enquête sur la régularité de la commercialisation d'ouvrages en métaux précieux par les sociétés gérées par Mme Z... qui indiquait avoir son domicile principal au domicile de ses parents à Omaing ;
ALORS QUE les agents habilités à cet effet ne peuvent procéder à la saisie que des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux infractions visées par l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'il ne détenait aucun élément sérieux lui permettant de déterminer à qui appartiennent les sommes en numéraires saisies, sans rechercher si les sommes en cause étaient susceptibles ou non d'avoir un lien avec les infractions visées par l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, le délégué du Premier président de la cour d'appel de Douai a entaché son ordonnance d'un manque de base légale au regard de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes d'annulation de la saisie physique des deux ordinateurs et à la restitution des copies réalisées par la DNRED ;
AU MOTIF QUE la saisie des supports informatiques prévue par l'article L. 38-4 bis du LPF est une possibilité générale et n'est pas seulement prévue dans l'hypothèse de l'obstacle mis par l'occupant des lieux à l'accès aux documents présents sur ces supports ;
ALORS QUE l'article L. 38A bis du LPF méconnaît, ainsi qu'il est démontré dans la question prioritaire de constitutionnalité qui fait l'objet d'un mémoire distinct, les dispositions de l'article 66 alinéa 2 de la Constitution et de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
Retour à la liste des décisions