DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. soc., 14 janvier 2014
pourvoi 12-29.253

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 14 janvier 2014 (pourvoi 12-29.253)

Cour de cassation, chambre sociale
14 janvier 2014, pourvoi 12-29.253

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 1er, 23 novembre 2012) que le syndicat national du personnel Force ouvrière du groupe des caisses d'épargne et des Banques populaires (SNP-FO), le syndicat unifié-UNSA et le syndicat indépendant authentique professionnel du personnel de la caisse (SIAPP) ont demandé l'annulation du premier tour des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel de la société caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France qui s'est déroulé du jeudi 7 juin au mercredi 13 juin 2012 ; qu'ils ont été déboutés de leur demande par le jugement rendu par défaut ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que la société conteste la recevabilité du pourvoi des syndicats au motif qu'il a été formé avant l'expiration du délai d'opposition ;

Attendu cependant, que l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 789-2008 du 20 août 2008 qui modifient les conditions d'accès à la représentativité syndicale et la capacité pour les organisations syndicales à désigner des représentants conduit à une nouvelle interprétation des articles R. 2314-29 et R. 2324-25 du code du travail, lesquels, en disposant que la décision du tribunal d'instance est susceptible d'un pourvoi en cassation, écartent tant l'appel que l'opposition ; que le pourvoi est dès lors recevable ;

Sur le moyen unique :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare le pourvoi recevable, le REJETTE ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le syndicat national du personnel Force ouvrière du groupe des caisses d'épargne et des Banques populaires, le syndicat indépendant authentique professionnel du personnel de la caisse d'épargne Ile-de-France et le syndicat unifié-UNSA.

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté les syndicats SNPFO, SIAPP et SU-UNSA de leur demande d'annulation des élections des délégués du personnel et de représentants du personnel au comité d'entreprise qui se sont déroulées du 7 au 13 juin 2012 au sein de la Caisse d'épargne d'Ile de France ;

AUX MOTIFS QUE :

- Sur l'utilisation de la messagerie interne aux fins de propagande électorale ;

Qu'il résulte de l'article 4 du titre IV de l'accord relatif à l'organisation et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile de France du 1er avril 2009, encore en vigueur lors de la période de scrutin litigieuse, que « chaque organisation syndicale représentative à la CEIDF et chaque organisation syndicale ayant désigné un Représentant de la section syndicale dispose d'une boîte aux lettres personnalisée dans le dispositif intranet de la CEIDF. L'émission de mail, directe ou indirecte, à destination des salariés de la CEIDF n'est possible que pour effectuer une réponse à un salarié qui a posé par mail une question précise dans la boîte aux lettres personnalisée... Tout envoi de mail en dehors de ce cadre conduit à la suppression de la boîte aux lettres personnalisée jusqu'aux prochaines élections professionnelles ainsi qu'au bénéfice de la distribution de tracts par courrier interne » ; qu'il ressort néanmoins d'un accord collectif national sur les conditions d'accès et d'utilisation de l'intranet et de la messagerie par les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche du 31 mai 2012 que tout salarié peut s'inscrire sur la liste de diffusion d'une organisation syndicale représentative afin d'être informé sur sa messagerie professionnelle de l'intégration d'une nouvelle information syndicale, en souscrivant par écrit et de façon non équivoque ; qu'il est en l'espèce démontré que le Syndicat CFDT a expédié le 6 juin 2012 à 21 heures 20 à M. Julien Z..., conseiller financier à l'agence Saint Germain Victoire, une newsletter rappelant l'ouverture du scrutin le Iendemain à 9 heures et renvoyant vers son site à la lecture de divers articles, dont un est intitulé « Les dix bonnes raisons de voter CFDT » ; que le même salarié a reçu d'autres newsletters de ce syndicat ayant un lien avec le scrutin les 8, 9, 10 et 12 juin, lesquelles rappellent la possible désinscription de la liste de diffusion ; que si ces envois d'information syndicale à destination des seuls salariés inscrits sur ladite liste ont incontestablement pris la forme d'une propagande électorale, l'objet de l'article 4 du titre IV de l'accord du 1er avril 2009 précité consistant à éviter le prosélytisme syndical n'est pas mis en cause par ce mode de diffusion puisque le destinataire en a préalablement autorisé l'envoi ; qu'enfin, il ne résulte pas des pièces communiquées que la newsletter permettait d'accéder par un lien actif au site de vote électronique ; que pour autant, même à supposer que cette diffusion de propagande par voie électronique soit irrégulière au regard de cet accord, il doit être relevé que la propagande électorale a pris d'autres formes de diffusion, tels que la profession de foi, les tracts dont il est produit aux débats de nombreux exemples émanant des organisations syndicales demanderesses, outre les professions de foi ; qu'en tout état de cause, si l'argument tenant aux résultats du scrutin (régression de voix obtenues par la CFDT) n'est pas pertinent pour écarter toute incidence sur le scrutin puisque les scrutins sont par nature évolutifs, les demandeurs ne justifient pas du nombre exact de destinataires des newsletters susvisées, seul le cas de M. Julien Z... étant démontré, et n'apportent pas la démonstration que celles-ci ont été de nature à influer sur le résultat du scrutin ; que s'agissant par ailleurs de l'envoi allégué par les demandeurs d'un mail à l'initiative d'un candidat du Syndicat SNE-CGC, outre qu'il n'est pas produit aux débats, que le tribunal en ignore donc la teneur et qu'il n'a de vraisemblance que par le courriel adressé le 8 juin 2012 par l'employeur, il n'est pas davantage établi qu'il ait eu une quelconque influence sur les résultats de l'élection ; que le syndicat Unifié-ÙNSA ne fait pas davantage la démonstration que l'irrégularité ainsi évoquée aurait été déterminante quant à sa représentativité, quand bien même l'examen des résultats du scrutin démontrerait qu'il a manqué de quelques dizaines de voix pour accéder à cette représentativité ; que cette première irrégularité alléguée ne saurait donc donner lieu à l'annulation du scrutin ;

- Sur les difficultés d'acheminement de certaines plaquettes de propagande ;

Que le SNP-FO déplore un retard dans l'acheminement de ses plaquettes de propagande, incombant à l'employeur, soutient que certaines ne sont jamais parvenues à leur destinataire et prétend que cette irrégularité aurait concerné « près de 644 salariés » ; qu'il produit quatre attestations dont une seule observe les prescriptions de forme de l'article 202 du code de procédure civile, selon laquelle Mme Véronique X... indique n'avoir reçu les plaquettes d'information du syndicat FO que le lundi 11 juin 2012 ; qu'il établit en outre que la direction régionale 78 a reçu les documents le 8 juin ; qu'enfin, il communique un document manuscrit daté du 21 juin 2012 signé par six salariés lesquels indiquent n'avoir pas reçu les documents dont s'agit ; que même à supposer suffisamment probants ce document ainsi que les trois attestations susvisées, ceux-ci ne font qu'établir que trois autres salariés ont respectivement reçu lesdits documents les 8, 12 et 13 juin et que six autres en ont été privés et en aucun cas près de 644 salariés ; qu'il n'apparaît pas inutile de relever que le SNP-FO n'a remis à l'employeur ses plaquettes que le 1er juin 2012, veille de week-end, soit moins d'une semaine avant le début du scrutin ; qu'en outre et surtout, rien n'indique que ce retard ou cette absence de réception ait eu pour les personnes concernées une incidence sur leur vote puisqu'à aucun moment il n'est évoqué ce point dans les pièces précitées ; que le SIAPP soutient pour sa part que pas moins de 110 plis contenant sa propagande électorale ne sont pas parvenus à destination que le 8 juin au mieux, plus probablement le 9 juin voire au-delà alors que le scrutin était ouvert depuis le 7 juin et que 24 % des salariés avaient exprimé leur vote dès le premier jour ; qu'il produit un échange de courriels entre le directeur des ressources humaines et son propre secrétaire général faisant en effet allusion à un dysfonctionnement concernant 110 plis en raison d'une difficulté d'affranchissement mais aucune pièce n'est produite sur la date réelle de réception des plis et a fortiori sur l'incidence sur le résultat du scrutin ; qu'il doit être rappelé que les électeurs ont été informés par d'autres modes de diffusions d'information syndicale de chaque organisation présente au sein de l'entreprise (profession de foi, tracts, ¿) ; que cet argument n'est pas de nature à donner lieu à annulation du scrutin ; qu'enfin si l'obligation de neutralité de l'employeur vis-à-vis des organisations syndicales présentes dans l'entreprise constitue un principe essentiel du droit électoral, aucune entorse à ce principe n'est démontrée en l'espèce contrairement à ce que prétend le SNP-FO, la Caisse d'épargne d'Ile de France justifiant avoir réagi à ce qui lui apparaissait être une irrégularité ou un dysfonctionnement de façon objective et diligente ;

- Sur le dispositif de vote électronique

. sur l'expertise préalable

qu'en vertu des articles R. 2314-12 du code du travail pour les élections des délégués du personnel et R. 2324-8 du même code pour les élections au comité d'entreprise, préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception, le système de vote électronique est soumis à une expertise indépendante destinée à vérifier le respect des articles R. 2314-8 à R. 2314-11 (et R. 2324-4 à R. 2324-) le rapport de l'expert étant tenu à la disposition de la C. N. I. L. ; que la société Election Europe a communiqué aux débats une expertise dans sa version complète réalisée le 1er septembre 2007 par la Société Stratup ; que le SIAPP considère que cette expertise a une pérennité limitée et s'associe au SNP-FO pour prétendre que la preuve d'une identité de logiciel entre celui utilisé pour les élections de juin 2012 et celui expertisé en 2007 n'est pas rapportée ; qu'ils en déduisent tous deux qu'une expertise aurait dû précéder les élections litigieuses ; qu'or il ressort de l'attestation circonstanciée du 1er octobre 2012 émanant de M. Stéphane Y..., expert-comptable, expert agréé par la Cour de cassation, expert en informatique et comptabilité près la cour d'appel de Paris, que l'audit auquel il a procédé entre juillet et octobre 2012 a démontré que le système de vote de la Société Election Europe n'a connu aucune évolution substantielle tenant à sa conception et n'a donné lieu qu'à très peu d'évolutions depuis 2005, date d'un précédent audit réalisé par ses soins ; que dans ces conditions, il apparaît qu'en l'absence de modification substantielle intervenue dans la conception du logiciel de vote électronique de la société Election Europe depuis 2005, donc a fortiori depuis 2007, celle-ci n'était pas tenue par les textes précités de procéder à une nouvelle expertise indépendante ; que M. Stéphane Y... indique par ailleurs que le logiciel est un logiciel expert qu'il n'est pas nécessaire de modifier à chaque élection mais qui s'adapte précisément, moyennant le paramétrage des caractéristiques de l'élection concernée en amont du scrutin, à tous les types d'élections possibles ; que l'identité de logiciel entre celui expertisé en 2007 par l'entreprise Stratup et celui utilisé lors du scrutin de juin 2012 qui a fait l'objet de l'audit de M. Stéphane Y... dès le mois suivant, est donc suffisamment établie ; que dans ces conditions, l'expertise préalable au 1er septembre 2007 portant sur le système de vote électronique de la Société Election Europe, laquelle justifie en la cause qu'elle a été non seulement mise à la disposition de la C. N. I. L. mais également présentée à celle-ci, répond aux exigences du code du travail ci-dessus rappelées, pour les élections du 7 au 13 juin 2012 ; qu'il sera rappelé que les textes précités du code du travail ne font en aucun cas obligation à l'employeur de communiquer sur les termes de l'expertise indépendante, laquelle est à la disposition de la seule C. N. I. L., de sorte que le syndicat SIAPP est mal fondé à en faire le grief à la CEIDF dans ses écritures ;

. sur la sécurité et la sincérité du vote


¿ ; qu'enfin, il résulte de l'expertise indépendante réalisée le 1er septembre 2007, que l'application auditée, donc le logiciel utilisé par la société Election Europe pour l'organisation du scrutin litigieux, dispose de « dispositions techniques jugées suffisantes par l'expert pour répondre aux exigences d'anonymat, d'intégrité, de sincérité, d'unicité, de confidentialité et de contrôle que requiert le code électoral » et que le fait que l'expert n'ait pas eu accès à l'intégralité du code source ne l'a pas empêché de réaliser son travail d'expertise de façon complète ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de démonstration par les demandeurs d'une part d'une violation des principes essentiels du droit électoral et d'autre part d'irrégularités ayant eu, au regard du nombre de votants, des suffrages recueillis par chaque syndicat et des faits de la cause, une incidence sur le résultat du scrutin sur la représentativité d'une organisation syndicale, aucun motif sérieux ne justifie qu'il soit fait droit à leur demande d'annulation de l'élection ;

1°- ALORS QUE constitue une irrégularité du scrutin qui entraîne son annulation, la diffusion de la propagande électorale sur la messagerie interne de l'entreprise en violation d'un accord d'entreprise ; qu'en l'espèce, en application de l'article 4 du titre IV de l'accord relatif à l'organisation et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile de France du 1er avril 2009, il est interdit aux syndicats d'adresser par courriel de la propagande électorale aux salariés ; qu'ayant constaté que les envois d'information syndicale effectués par le syndicat CFDT la veille du scrutin sur la messagerie professionnelle des salariés « ont incontestablement pris la forme d'une propagande électorale » et en refusant néanmoins d'annuler les élections aux motifs inopérants que les destinataires avaient autorisé un tel envoi, que la propagande électorale avait pris d'autres formes de diffusion ou encore qu'il ne serait pas justifié du nombre exact de destinataires des « newsletters » syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article 4 précité, ensemble les articles L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail et les principes généraux du droit électoral ;

2° ALORS en outre que la diffusion de la propagande électorale sur la messagerie électronique interne de l'entreprise en violation d'un accord collectif, à la veille du scrutin, porte nécessairement atteinte à la loyauté du scrutin ; qu'en reprochant aux syndicats exposants de ne pas apporter la démonstration que la propagande électorale du syndicat CFDT a été de nature à influer sur le résultat du scrutin, le tribunal d'instance a encore violé l'article 4 précité, ensemble les articles L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail et les principes généraux du droit électoral ;

3°- ALORS QUE la rupture d'égalité entre organisations syndicales lors de la propagande électorale constitue non seulement une violation des principes généraux du droit électoral mais est aussi déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ce qui justifie l'annulation du scrutin ; qu'ayant relevé que les plaquettes de propagande électorale du syndicat SNP-FO n'avaient été reçues par les salariés qu'à partir du 8 juin 2012 et que 110 plis de propagande électorale du syndicat SIAPP avaient fait l'objet d'un sort similaire, ce qui induit nécessairement une rupture d'égalité avec les autres syndicats qui n'ont pas subi les mêmes difficultés de diffusion de leurs idées, et en reprochant cependant aux syndicats SNP ¿ FO et SIAPP de ne pas rapporter la preuve de l'incidence sur le scrutin de ces irrégularités d'acheminement de leur programme électoral quand il s'en évinçait une rupture d'égalité entre syndicats justifiant l'annulation du scrutin, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2122- 1et L. 2143-3 du code du travail et les principes généraux du droit électoral ;

4°- ALORS QUE le système de vote électronique doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ; qu'il doit préalablement à sa mise en place, ou à toute modification substantielle de sa conception, être soumis à une expertise indépendante destinée à vérifier que ces conditions sont remplies ; qu'en relevant que la société Election Europe, prestataire extérieur pour la mise en place du vote électronique au sein de la Caisse d'épargne d'Ile de France, avait versé aux débats une expertise de son système de vote électronique réalisée le 1er septembre 2007 et en considérant que celle-ci répondait aux exigences du code du travail pour les élections du 7 au 13 juin 2012 au motif qu'un audit réalisé entre juillet et octobre 2012 aurait démontré que « le système de vote de la société Election Europe n'a connu aucune évolution substantielle tenant à sa conception et n'a donné lieu qu'à très peu d'évolutions depuis 2005, date d'un précédent audit réalisé par ses soins », le tribunal d'instance a statué par des motifs insusceptibles de faire ressortir l'identité de systèmes de vote électronique permettant de dire que l'expertise du 1er septembre 2007 était valable pour le scrutin du 7 au 13 juin 2012 ; que le tribunal a violé les articles R. 2324-4 et s. du code du travail ;


5°- ALORS de plus qu'en constatant que l'expert n'avait pas eu à accès à l'intégralité du code source et en décidant cependant que l'expertise indépendante réalisée le 1er septembre 2007 répondait aux exigences du code du travail, le tribunal d'instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles R. 2324-4 et s. du code du travail.

 

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