DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. soc., 14 novembre 2013
pourvoi 13-10.519

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 14 novembre 2013 (pourvoi 13-10.519)

Cour de cassation, chambre sociale
14 novembre 2013, pourvoi 13-10.519

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Fontainebleau, 27 février 2013), que du 14 au 21 novembre 2012 a été organisé le second tour des élections des délégués du personnel et des représentants au comité d'entreprise de la société Picard Surgelés, suivant un accord d'entreprise et un protocole préélectoral prévoyant le recours au vote électronique ; qu'un salarié du service informatique étant parvenu à prendre connaissance du vote de deux de ses collègues en se connectant à distance à leur poste informatique au moment où les intéressés votaient, le syndicat CGT des établissements Picard surgelés a saisi un tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de ce scrutin ;

Attendu que le syndicat CGT Picard fait grief au jugement de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que, encourt l'annulation le scrutin entaché d'irrégularités portant atteinte aux principes généraux du droit électoral ; que figure au nombre de ces principes, celui de la confidentialité du vote ; que, dès lors qu'est établie la possibilité pour un salarié d'assister au vote d'autres salariés, se trouve caractérisée une atteinte au principe de confidentialité imposant par conséquent l'annulation du scrutin qui s'est déroulé dans ces conditions ; qu'en estimant néanmoins, en l'espèce, que cette situation ne constituait pas une atteinte au principe de confidentialité et en déboutant de ce fait le syndicat requérant de sa demande d'annulation du scrutin, le tribunal d'instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2314-21 du code du travail ensemble l'article L. 59 du code électoral ;

2°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'au cas présent, le tribunal d'instance qui a considéré que la société Picard Surgelés avait pris « toutes les dispositions utiles pour assurer le respect du vote électronique aux principes du droit électoral, notamment la confidentialité du vote » et que la CGT n'apportait pas la preuve de l'absence de conformité de la procédure de vote électronique aux principes généraux du droit électoral tout en relevant ensuite qu'il était établi qu'à deux reprises un salarié avait pu assister au vote d'autres salariées en se connectant en même temps qu'elles sur leurs postes informatiques alors qu'elles procédaient aux opérations de vote, ce qui caractérise une atteinte au principe de confidentialité du scrutin, le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les dispositions prises par l'employeur assuraient, conformément aux articles R. 2314-9 et R. 2324-5 du code du travail la confidentialité du vote électronique et que le technicien informatique de l'entreprise, soumis, aux termes des articles R. 2314-12 et R. 2324-8 du code du travail, à une obligation de confidentialité, s'était connecté aux postes des salariés à leur demande expresse pendant les opérations de vote, le tribunal a pu en déduire que n'était caractérisée aucune atteinte à la sincérité du scrutin ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT des établissements Picard surgelés.

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté le syndicat CGT de ses demandes et de l'avoir condamné à payer à la société PICARD SURGELES la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « L'article 9 du Code de procédure civile dispose qu'« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. » L'article R. 2314-8 du Code du travail dispose que : « L'élection des délégués du personnel peut être réalisée par vote électronique sur le lieu de travail ou à distance. La possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe comportant un cahier des charges respectant les dispositions du présent paragraphe ». Selon l'article R. 2314-9 : « La conception et la mise en place du système de vote électronique peuvent être confiées à un prestataire choisi par l'employeur sur la base d'un cahier des charges respectant les dispositions du présent paragraphe. Le système retenu assure la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes. » L'article R. 2314-12 prévoit enfin que : « Préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception, le système de vote électronique est soumis à une expertise indépendante, destinée à vérifier le respect des articles R. 2314-8 à R. 2314-11. Le rapport de l'expert est tenu à la disposition de la commission nationale de l'informatique et des libertés. » En l'espèce, la société PICARD SURGELES justifie de la réalisation d'une expertise indépendante réalisée par « Expertis Lab » le 21 septembre 2012 qui conclut en ces termes : « L'application destinée aux élections professionnelles 2012 de la société PICARD SURGELES respecte les principes adaptés aux exigences du vote électronique par internet. La confidentialité des votes, la fiabilité des résultats de vote et l'intégrité des données et des communications nous semblent, en outre, conformes aux règles de l'art. (¿) L'application de vote électronique présente les garanties de bon fonctionnement et de sécurité souhaitées. » La société PICARD SURGELES justifie en outre de la « déclaration normale » effectuée auprès de la CNIL le 19 septembre 2012. Il apparaît que la société PICAR SURGELES a pris toutes les dispositions utiles pour assurer le respect du vote électronique aux principes du droit électoral, notamment la confidentialité du vote. Il ressort des attestations produites par le syndicat CGT ainsi que du procès-verbal de constat d'huissier en date du 21 novembre 2012 qu'à deux reprises, le 14 novembre 2012 et le 21 novembre 2012, Monsieur X..., salarié du service informatique de PICARD SURGELES, a pu se connecter sur les postes informatiques de deux salariées et assister à leurs votes électroniques pour les élections professionnelles. Selon les attestations, Madame Véronique Y... et Monsieur Olivier X... ont effectué un précédent « test » le 14 novembre 2012 à 15h30, Madame Y... se connectant de son ordinateur du magasin PICARD numéro 545 (¿) à l'aide du logiciel libre « VNC » et a contacté sa collègue Madame Z... en lui demandant d'effectuer ses opérations de vote. Il est ainsi établi qu'à deux reprises, un salarié a pu assister au vote d'autres salariées en se connectant en même temps qu'elles sur leurs postes informatiques alors qu'elles procédaient aux opérations de vote. Toutefois, ces cas ne sauraient constituer des atteintes au principe de confidentialité du vote dans la mesure où ces salariées votantes ont été observées avec leur consentement. En outre, le salarié observateur est un salarié du service informatique soumis au principe de confidentialité, ainsi qu'au respect d'un protocole particulier pour la prise en main des ordinateurs des salariés, nécessitant notamment l'information des salariés avant la prise en main de leur ordinateur. Ainsi, le syndicat CGT n'apporte pas la preuve de l'absence de conformité de la procédure de vote électronique organisée par la société PICARD SURGELES pour les élections professionnelles de novembre 2012 aux principes généraux du droit électoral. Il convient en conséquence de débouter le syndicat CGT de sa demande d'annulation de ces élections. » ;

ALORS, d'une part, QUE, encourt l'annulation le scrutin entaché d'irrégularités portant atteinte aux principes généraux du droit électoral ; que figure au nombre de ces principes, celui de la confidentialité du vote ; que, dès lors qu'est établie la possibilité pour un salarié d'assister au vote d'autres salariés, se trouve caractérisée une atteinte au principe de confidentialité imposant par conséquent l'annulation du scrutin qui s'est déroulé dans ces conditions ; qu'en estimant néanmoins, en l'espèce, que cette situation ne constituait pas une atteinte au principe de confidentialité et en déboutant de ce fait le syndicat requérant de sa demande d'annulation du scrutin, le Tribunal d'instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2314-21 du Code du travail ensemble l'article L. 59 du Code électoral ;


ALORS, d'autre part, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'au cas présent, le Tribunal d'instance qui a considéré que la société PICARD SURGELES avait pris « toutes les dispositions utiles pour assurer le respect du vote électronique aux principes du droit électoral, notamment la confidentialité du vote » et que la CGT n'apportait pas la preuve de l'absence de conformité de la procédure de vote électronique aux principes généraux du droit électoral tout en relevant ensuite qu'il était établi qu'à deux reprises un salarié avait pu assister au vote d'autres salariées en se connectant en même temps qu'elles sur leurs postes informatiques alors qu'elles procédaient aux opérations de vote, ce qui caractérise une atteinte au principe de confidentialité du scrutin, le Tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

 

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