DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. com., 26 mars 2013
pourvoi 12-11.688

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 26 mars 2013 (pourvoi 12-11.688)

Cour de cassation, chambre commerciale
26 mars 2013, pourvoi 12-11.688

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1131 et 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Connecting Business Center (la société CBC) a acquis, en avril 2003, de la société Selligent France (la société Selligent), des licences du logiciel CRM destiné à être intégré par la société Syntegra avec laquelle elle a conclu un autre contrat pour la mise en oeuvre de cette solution ; que par lettre du 15 juin 2004, la société Syntegra a rompu le contrat d'intégration du logiciel signé avec la société CBC ; qu'en mars 2008, la société Selligent a assigné la société CBC pour obtenir le paiement de factures impayées ;

Attendu que pour condamner la société CBC, l'arrêt retient que s'il est manifeste que le contrat portant sur les licences était causé par le contrat de déploiement du logiciel avec lequel il formait un ensemble contractuel interdépendant, celle-ci ne pouvait se prévaloir de la résiliation du contrat par la société Syntegra que si cette rupture résultait d'une décision judiciaire n'ayant pas pour origine sa propre faute ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la résiliation d'un contrat de déploiement de logiciel, qui s'inscrit dans un ensemble complexe et indivisible, entraîne la caducité du contrat portant sur les licences, sauf à tenir compte dans l'évaluation du préjudice résultant de l'anéantissement de cet ensemble contractuel de la faute de la partie qui en a été à l'origine, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Selligent France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Connecting Business Center

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société C.B.C. à payer à la société Selligent France la somme de 16.127,42 €, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2003 ;

Aux motifs que « s'il est manifeste que les contrats de licences étaient nécessaires pour permettre le déploiement du logiciel par la société SYNTEGEA dans le cadre de son offre commerciale, la société CBC ne peut utilement se prévaloir de la résiliation de ce dernier contrat par la société SYNTEGRA le 15 06 2004, d'une part, car la résiliation d'un contrat ne peut être opposée à la société SELLIGENT, étrangère à ce contrat, dans le cadre de contrats interdépendants, que si elle résulte d'une décision judiciaire n'ayant pas pour origine sa propre faute, d'autre part, car en l'espèce, il n'est justifié que de la lettre du 15 06 2004 par laquelle la société SYNTEGRA justifie cette résiliation par les fautes commises par la société CBC et, enfin, car faute d'avoir appelé en la cause la société SYNTEGRA, la SAS CBC n'a pas mis la cour en mesure d'apprécier la réalité de cette résiliation et son origine ; que l'existence ou l'absence de cause s'apprécie à la date de formation du contrat ; qu'en l'espèce, il est manifeste que le contrat portant sur ces licences était causé par le contrat de déploiement de logiciel tandis qu'en tout état de cause, la société CBC ne peut se prévaloir de la disparition de cette cause puisqu'elle ne rapporte pas la preuve, comme il a été dit, d'une résiliation du contrat de déploiement du logiciel qui ne lui soit pas imputable ; que la société CBC ne peut pas plus utilement se plaindre des manquements de la société SELLIGENT à ses obligations contractuelles puisque cette dernière était fondée à retenir les codes des licences tant que la SAS CBC ne s'acquittait pas des sommes qui lui étaient dues à ce titre ; que, d'ailleurs, elle avait été mise en demeure dès le mois de décembre 2003 de s'acquitter de son obligation de paiement ; que par suite, le montant des sommes dues et le point de départ des intérêts n'étant pas utilement critiqué, le jugement est confirmé » (arrêt attaqué, p. 5, § 7 à 10) ;

Alors d'une part qu'en présence de deux conventions formant un ensemble contractuel indivisible, la résiliation de l'une entraîne, par ricochet, l'anéantissement de l'autre, s'agirait-il de conventions liant deux parties différentes à un même contractant ; que cette conséquence se produit de plein droit, quels que soient le mode suivant lequel le premier contrat a été résilié, et la raison pour laquelle il l'a été ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 5, § 7 et 8) que le contrat de licences de logiciel souscrit par C.B.C. auprès de la société Selligent était indivisiblement liée au contrat d'intégration de logiciel conclu entre les sociétés C.B.C. et Syntegra, de telle sorte que la résiliation du contrat d'intégration de logiciel était, de ce seul fait, propre à remettre en cause le contrat de licences de logiciel ; qu'en considérant que cette résiliation ne pouvait produire une telle conséquence qu'à la double condition de résulter d'une décision judiciaire, et de ne pas trouver son origine dans une faute de la société C.B.C., la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;

Alors d'autre part que l'audition d'un tiers susceptible de fournir des renseignements sur des faits présentant un lien avec le litige relève du pouvoir d'enquête du juge ; qu'en revanche, les parties n'ont pas la faculté de mettre directement en cause un tiers à la seule fin que celui-ci donne au juge de tels renseignements ; qu'au cas présent, c'était donc à la cour d'appel qu'il appartenait, si elle le jugeait utile, de convoquer la société Syntegra pour l'entendre sur la résiliation du contrat d'intégration de logiciel conclu avec C.B.C., et non à C.B.C. d'appeler en la cause la société Syntegra à cette fin ; qu'en énonçant qu'à défaut de mise en cause de la société Syntegra par la société C.B.C., elle n'était pas en mesure d'apprécier la réalité ainsi que l'origine de ladite résiliation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des articles 143, 199, et 205 du code de procédure civile ;

Alors subsidiairement que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel du 10 novembre 2009 (p. 9), la société C.B.C. soulevait à titre subsidiaire une exception d'inexécution reposant sur le défaut de délivrance par la société Selligent des codes des licences commandées ; qu'en relevant d'office, pour écarter cette exception d'inexécution, que la société Selligent était fondée à retenir les codes tant que C.B.C. ne s'acquittait pas du prix des licences, sans provoquer les explications préalables des parties sur ce moyen que Selligent n'invoquait pas pour s'opposer à l'exception, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;


Alors plus subsidiairement encore que, sauf convention particulière, l'obligation, pour l'acheteur, de payer le prix de vente résulte de l'exécution complète, par le vendeur, de son obligation de délivrance ; que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires ; qu'après avoir qualifié la convention afférente aux licences de logiciel de vente (arrêt attaqué, p. 3, § 4, et p. 4, § 5), la cour d'appel, qui a néanmoins écarté l'exception d'inexécution soulevée par C.B.C., au seul motif que Selligent était fondée à retenir les codes des licences tant que le prix de celles-ci n'était pas payé, a ainsi violé les articles 1604, 1615 et 1651 du code civil.

 

Retour à la liste des décisions