DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. com., 15 novembre 2011
pourvoi 10-26.617

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 15 novembre 2011 (pourvoi 10-26.617)

Cour de cassation, chambre commerciale
15 novembre 2011, pourvoi 10-26.617

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 septembre 2010), qu'en exécution d'un contrat conclu le 14 février 2005 entre les sociétés Percall et Res Humana, celle-là a réalisé pour le compte de celle-ci un audit de son installation informatique, puis une mission de maintenance "corrective et évolutive du logiciel Soft RH"é ; que, soutenant que ce contrat avait été tacitement reconduit à son terme, fixé au 31 mars 2006, la société Percall a assigné la société Res Humana en paiement d'une certaine somme à ce titre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Percall fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de cette demande alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve du contenu d'un contrat passé entre commerçants se prouve par tous moyens ; qu'en retenant en l'espèce que la tacite reconduction ne rentrerait pas dans les prévisions contractuelles dès lors qu'elle ne figurerait que sur l'annexe 2 du contrat qui n'a pas été signée par la société Res Humana, sans rechercher comme elle y était invitée par la société Percall, si la preuve de l'accord de la société Res Humana sur le contenu de l'annexe 2 du contrat de base ne résultait pas de l'exécution par la société Percall de la mission de maintenance corrective et évolutive du progiciel SOFT RH prévue seulement par cette annexe et non dans le contrat de base, du règlement par la société Res Humana des factures trimestrielles adressées par la société Percall sur les bases convenues dans cette annexe 2 à laquelle celles-ci font en outre expressément référence, et des correspondances échangées entre les deux sociétés faisant état et référence à la mission de maintenance prévue par ladite annexe 2, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce, ensemble de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en retenant que la société Res Humana aurait, dans une lettre du 28 février 2006, expliqué au conseil de la société Percall qu'elle n'avait précisément pas signé l'annexe 2 du contrat en raison de la mention de la reconduction automatique, quand ladite lettre ne datait pas du 28 février 2006 mais du 28 février 2007, soit près d'un an après le jeu d'une tacite reconduction intervenue en application de l'annexe 2 à compter du 31 mars 2006, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en retenant qu'une lettre adressée par la société Res Humana postérieurement au jeu de la tacite reconduction intervenue en application de l'annexe 2 à compter du 31 mars 2006, valait justification de ce que la tacite reconduction ne rentrait pas dans les prévisions contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ qu'en l'absence de résiliation intervenue conformément aux dispositions de l'article 5 du contrat, l'annexe 2 de celui-ci s'était en application de ses stipulations tacitement reconduite le 31 mars 2006, sans qu'importe que la société Percall ait, postérieurement à cette date, à tort indiqué qu'elle n'avait pas vérifié la date de fin du contrat "qui se terminait le 31 mars 2006" ; qu'en se fondant sur ce fait, pour retenir qu'aucune tacite reconduction n'aurait été contractuellement convenue ou ne serait intervenue, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 1134 du code civil ;

5°/ que l'annexe 2 du contrat définissait les prestations devant être effectuées par la société Percall dans le cadre de la mission corrective et évolutive du logiciel SOFT RH qui lui était confiée par cette annexe ; qu'en retenant que la reconduction du contrat aurait supposé la définition des prestations à réaliser qui ne serait jamais intervenue et n'aurait jamais été réclamée par la société Res Humana alors que cette société, dans un mail du 6 avril 2006 évoquant les conditions de poursuite de la collaboration, a évalué les services à la moitié de ceux de 2005, quand ce dernier courriel, postérieur au jeu de la tacite reconduction de l'accord contractuel résultant de l'annexe 2 intervenue le 31 mars 2006, était sans incidence sur la définition des prestations, qui sans nouvel accord des parties, restaient celles prévues par ladite annexe tacitement reconduite, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la deuxième branche ne tend qu'à faire constater une erreur matérielle qui a fait écrire "28 février 2006" au lieu de "28 février 2007" et qui n'a pas eu d'incidence sur la solution du litige ;

Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée uniquement sur la lettre visée par la troisième branche, a estimé que les parties n'avaient pas entendu faire entrer la tacite reconduction dans les prévisions contractuelles ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Percall fait encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné sous astreinte la restitution des codes sources modifiés à la société Res Humana alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de la société Percall faisant valoir que, quelles que puissent être les stipulations contractuelles, en application des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, les prestations réalisées au titre de la maintenance du progiciel SOFT RH constituaient des créations originales, entraînant à son profit des droits moraux et patrimoniaux et notamment des droits exclusifs d'exploitation, lui conférant le droit de conserver les programmes ou codes sources modifiés par elle et qu'elle n'avait en conséquence l'obligation que de restituer les codes sources qui lui avaient été initialement remis pour lui permettre d'exécuter ses prestations, obligation qu'elle avait déjà exécutée, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, la société Percall a soutenu non qu'elle était titulaire de droits de propriété intellectuelle au titre des prestations de maintenance du progiciel réalisées, quelles que puissent être les stipulations contractuelles, mais que, rien n'étant prévu au contrat concernant la propriété des codes sources modifiés, les dispositions légales devaient trouver à s'appliquer ; que, dés lors, le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Percall aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Percall

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société RES HUMANA à payer à la société PERCALL la somme de 15.000 € au titre de la deuxième année des relations commerciales et, statuant à nouveau, d'avoir débouté la société PERCALL de sa demande au titre de la reconduction du contrat,

AUX MOTIFS QUE «sur la facture de travaux supplémentaires, aux termes de l'article 1, dernier alinéa, du contrat du 14/02/2005 : "toute évolution de la mission, en cours d'exécution, ainsi que toutes modifications du présent contrat, donneront lieu à la régularisation d'un ou plusieurs avenants" ; il est constant que les travaux litigieux n'ont fait l'objet d'aucun avenant, d'aucun devis accepté, ni d'aucune commande écrite ; ensuite, dans un courriel à la société RES HUMANA du 05/12/2005 le technicien de la société PERCALL, Monsieur X... indique qu'il n'y a eu aucun "reporting" depuis plusieurs mois et qu'il aimerait "y voir clair sur l'avancement des travaux" ; il ressort du mail adressé par la société RES HUMANA à la société PERCALL le 20/03/2006, versé aux débats et non contesté, que depuis juillet 2006, aucun reporting mensuel de consommation des temps n'a été établi depuis juillet 2005 ; de plus, le récapitulatif intitulé "suivi de consommation au 8 mars 2006" édité par la société PERCALL, versé aux débats, mentionne 51,43 jours consommés sur 57 estimés, et en conséquence un crédit de 6,57 jours ; dès lors, le "suivi de consommation au 05/09/2006", sur lequel la société PERCALL fonde sa demande, n'a aucune valeur probante ; par ailleurs, la société PERCALL est mal fondée à soutenir que le logiciel SOFT RH a révélé des défauts majeurs inattendus, alors qu'elle avait préalablement procédé à un audit de celui-ci, portant notamment sur sa qualité, sa performance globale et son évolutivité ; enfin, la facture relative aux prétendus travaux supplémentaires n'a été établie par la société PERCALL que le 20/12/2006, et adressée à la société RES HUMANA par l'intermédiaire d'un avocat, sans avoir jamais fait l'objet d'une réclamation antérieure ; de ces éléments, il ressort que la demande relative à la facture correspondante n'est pas justifiée ; le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société PERCALL ; sur la fin du contrat le contrat prévoyait en son article 5.1 qu'il prendrait fin lorsque la totalité des prestations qui en font l'objet auront été fournies par le prestataire et payées par le client ; la tacite reconduction est mentionnée sur l'annexe 2 du contrat qui n'a pas été signée par la société RES HUMANA, qui dans sa lettre du 28/02/2006 au conseil de la société PERCALL a expliqué qu'elle n'avait pas signé précisément en raison de la mention de la reconduction automatique ; la tacite reconduction ne rentre donc pas dans les prévisions contractuelles ; en outre, dans sa lettre à la société RES HUMANA l'informant de l'établissement d'un avoir annulant la facture afférente au deuxième trimestre 2006, postérieure au terme de la première année, la société PERCALL indique qu'elle n'avait pas vérifié la date de fin du contrat "qui se terminait le 31/12/2006" ; par ailleurs, la reconduite du contrat aurait supposé la définition de prestations à réaliser, qui n'est jamais intervenue, et n'a jamais été réclamée par la société PERCALL, alors que la société RES HUMANA dans un mail du 06/04/2006, évoquant les conditions de poursuite de la collaboration, a évalué ses besoins à moitié de ceux de 2005 ; au vu des éléments du dossier, ce mail n'a pas reçu de réponse ; en conséquence, la demande relative aux factures concernant la période postérieure au 31/03/2006 n'est pas fondée ; le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il y a fait droit ; » (arrêt p.5 et 6)

ALORS, d'une part, QU'en application de l'article L.110-3 du Code de commerce, la preuve du contenu d'un contrat passé entre commerçants se prouve par tous moyens ; qu'en retenant en l'espèce que la tacite reconduction ne rentrerait pas dans les prévisions contractuelles dès lors qu'elle ne figurerait que sur l'annexe 2 du contrat qui n'a pas été signée par la société RES HUMANA, sans rechercher comme elle y était invitée par la société PERCALL, si la preuve de l'accord de la société RES HUMANA sur le contenu de l'annexe 2 du contrat de base ne résultait pas de l'exécution par la société PERCALL de la mission de maintenance corrective et évolutive du progiciel SOFT RH prévue seulement par cette annexe et non dans le contrat de base, du règlement par la société RES HUMANA des factures trimestrielles adressées par la société PERCALL sur les bases convenues dans cette annexe 2 à laquelle celles-ci font en outre expressément référence, et des correspondances échangées entre les deux sociétés faisant état et référence à la mission de maintenance prévue par ladite annexe 2, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.110-3 du Code de commerce, ensemble de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, d'autre part, QU'en retenant que la société RES HUMANA aurait, dans une lettre du 28 février 2006, expliqué au conseil de la société PERCALL qu'elle n'avait précisément pas signé l'annexe 2 du contrat en raison de la mention de la reconduction automatique, quand ladite lettre ne datait pas du 28 février 2006 mais du 28 février 2007, soit près d'un an après le jeu d'une tacite reconduction intervenue en application de l'annexe 2 à compter du 31 mars 2006, la Cour d'appel a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, de troisième part, QUE nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en retenant qu'une lettre adressée par la société RES HUMANA postérieurement au jeu de la tacite reconduction intervenue en application de l'annexe 2 à compter du 31 mars 2006, valait justification de ce que la tacite reconduction ne rentrait pas dans les prévisions contractuelles, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

ALORS, de quatrième part, QU'en l'absence de résiliation intervenue conformément aux dispositions de l'article 5 du contrat, l'annexe 2 de celui-ci s'était en application de ses stipulations tacitement reconduite le 31 mars 2006, sans qu'importe que la société PERCALL ait, postérieurement à cette date, à tort indiqué qu'elle n'avait pas vérifié la date de fin du contrat "qui se terminait le 31/03/2006" ; qu'en se fondant sur ce fait, pour retenir qu'aucune tacite reconduction n'aurait été contractuellement convenue ou ne serait intervenue, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, enfin, subsidiairement, QUE l'annexe 2 du contrat définissait les prestations devant être effectuées par la société PERCALL dans le cadre de la mission corrective et évolutive du logiciel SOFT RH qui lui était confiée par cette annexe ; qu'en retenant que la reconduction du contrat aurait supposé la définition des prestations à réaliser qui ne serait jamais intervenue et n'aurait jamais été réclamée par la société RES HUMANA alors que cette société, dans un mail du 6 avril 2006 évoquant les conditions de poursuite de la collaboration, a évalué les services à la moitié de ceux de 2005, quand ce dernier courriel, postérieur au jeu de la tacite reconduction de l'accord contractuel résultant de l'annexe 2 intervenue le 31 mars 2006, était sans incidence sur la définition des prestations, qui sans nouvel accord des parties, restaient celles prévues par ladite annexe tacitement reconduite, la Cour d'appel a encore statué par un motif inopérant en violation de l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné sous astreinte la restitution des codes sources modifiés par la société PERCALL à la société RES HUMANA,

AUX MOTIFS PROPRES QU' « il ressort de l'annexe du contrat concernant la maintenance corrective et évolutive du logiciel, établie par la société PERCALL elle-même, que le prestataire "garantit à RES HUMANA l'entière propriété des développements de maintenance" ; en outre, au vu des éléments au dossier la société PERCALL n'a pas répondu aux demandes de restitution des codes sources que la société HUMANA lui a adressée, une quatrième fois le 26/10/2006, et n'a donc pas opposé un prétendu droit de propriété à ces réclamations ; la lettre de son conseil à la société appelante en date du 28/12/2006, n'en fait pas plus mention ; en conséquence, la société PERCALL n'est pas fondée à se prétendre propriétaire des codes sources modifiés ; le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait condamner sous astreinte la société PERCALL à restituer les codes sources à la société RES HUMANA ; » (arrêt p.6)

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE «le courrier de la société RES HUMANA du 28 février 2007 sollicitant la restitution des codes sources modifiés ne constitue qu'une demande en application de l'article 6 du contrat initial convenu entre les parties en date du 14 février 2005 ; les codes sources d'origine ont bien été restitués en date du 24 février 2007 ;» (jugement p.3 in fine)


ALORS QU'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de la société PERCALL faisant valoir que, quelles que puissent être les stipulations contractuelles, en application des articles L.111-1 et L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle, les prestations réalisées au titre de la maintenance du progiciel SOFT RH constituaient des créations originales, entraînant à son profit des droits moraux et patrimoniaux et notamment des droits exclusifs d'exploitation, lui conférant le droit de conserver les programmes ou codes sources modifiés par elle et qu'elle n'avait en conséquence l'obligation que de restituer les codes sources qui lui avaient été initialement remis pour lui permettre d'exécuter ses prestations, obligation qu'elle avait déjà exécutée (cf conclusions p.20 à 23), la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

 

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