Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 21 mars 2006 (pourvoi 05-13.302)
Cour de cassation, 1ère chambre civile
21 mars 2006, pourvoi 05-13.302
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'une ordonnance sur requête avait autorisé les huit sociétés demanderesses au pourvoi, créatrices de logiciels édités sous leurs noms, à faire pratiquer, dans les locaux des sociétés Soditec, Nouvelle Irge, et Soditec Ingénierie, sur le fondement de l'article L. 615-10 du Code de la propriété intellectuelle, la saisie-contrefaçon descriptive de tous objets, documents, biens mobiliers corporels ou incorporels reproduisant ou incorporant des logiciels leur appartenant, ainsi que tous éléments les composant ou même des logiciels créés ou en cours de fabrication ; qu'invoquant une habilitation "confidentiel défense", la société Soditec s'est opposée à l'exécution des opérations, tandis qu'elle-même et les deux sociétés Nouvelle Irge et Soditec Ingénierie sollicitaient et obtenaient la rétractation de l'ordonnance initiale ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 2004), après avoir déclaré la voie de la rétractation inapplicable, d'avoir constaté l'habilitation de la société Soditec, et dit que l'huissier de justice ne devait surseoir qu'aux seuls actes de saisie diligentés auprès de celle-ci, alors, selon le moyen, que sont d'application stricte les dispositions de Code de la propriété intellectuelle qui dérogent au principe selon lequel le saisissant doit avoir accès à tout document susceptible de contribuer à la preuve de la contrefaçon, fût-il confidentiel ;
que l'article L. 615-10 du Code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que l'officier public commis pour procéder à la saisie-contrefaçon doit surseoir à la saisie, à la description et à toute recherche dans les archives et documents de l'entreprise si le contrat d'étude ou de fabrication comporte une classification de sécurité défense, concerne spécifiquement la saisie-contrefaçon en matière de brevet d'invention ; qu'en revanche, les dispositions sur la saisie-contrefaçon des logiciels ne comportent pas de règle similaire et ne peuvent être complétées, pour ce qu'elles ne prévoient pas, que par le régime de droit commun du droit d'auteur qui ne prévoit pas plus ce type d'exception ; qu'en décidant néanmoins d'étendre à la saisie-contrefaçon de logiciels une règle qui ne la vise ni ne la concerne, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 615-10 du Code de la propriété intellectuelle ; et alors, en tout état de cause que, la règle ainsi posée serait-elle applicable à la saisie-contrefaçon de logiciel, elle n'oblige l'officier public à surseoir à ses opérations que lorsque la création arguée de contrefaçon concernée par la saisie fait l'objet d'un contrat d'études ou de fabrication comportant une classification de sécurité nationale ; qu'en se bornant à relever que le saisi bénéficiait d'une habilitation au confidentiel défense, sans constater que cette habilitation se rapportait à un contrat d'études ou de fabrication ayant pour objet les logiciels en cause dans les opérations de saisie-contrefaçon, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-10 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que, dès lors que le saisi prouve qu'il bénéficie d'une habilitation au "confidentiel défense" et qu'à l'occasion des opérations de saisie, des documents, informations contrats ou brevets protégés par cette classification sont susceptibles d'apparaître à la vue du saisissant, l'officier public doit surseoir à opérer jusqu'à ce que le président du tribunal de grande instance ayant ordonné la saisie, s'il en est requis, ordonne une expertise confiée à des personnes agréées par le ministre chargé de la défense et devant ses représentants ; que ainsi qu'observé par le mémoire en défense, l'article 413-11 du Code pénal érige en délit correctionnel le fait pour toute personne non habilitée de reproduire ou porter à la connaissance d'une personne non qualifiée un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier qui présente le caractère d'un secret de la défense nationale ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés demanderesses aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille six.
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