Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, du 9 mars 2004 (RG 03-00974)
Cour d'appel de Montpellier
9 mars 2004, RG 03-00974
CA MONTPELLIER - 9 mars 2004
Attendu que Michel X..., qui a acheté le 18 mai 2001 à la société DARTY un ordinateur de marque PACKARD BELL au prix de 920,79 €, l'a fait citer le 9 avril 2002 devant le Tribunal d'Instance aux fins d'obtenir l'annulation de cette vente et le paiement de la somme de 290 € à titre de dommages-intérêts, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil et méconnu ainsi les dispositions des articles L 111.1 du Code de la Consommation, 1135 et 1147 du Code Civil;
Attendu, en droit, que si le vendeur de matériel informatique n'est pas tenu à une obligation de formation, -l'acquéreur étant sensé posséder des connaissances suffisantes pour être capable de le faire fonctionner conformément à l'usage auquel il le destine-, il a en revanche l'obligation non seulement de livrer un matériel exempt de vice, mais également de s'assurer du bon fonctionnement des logiciels qui l'accompagnent, et de les paramétrer de telle sorte que l'acheteur, simple utilisateur novice, soit mis en mesure de s'en servir immédiatement et sans devoir effectuer au préalable des mises au point ou des réglages qu'un profane n'est pas supposé connaître;
Attendu, en l'espèce, que les pièces produites révèlent que le 5 octobre 2001, Monsieur X... a déposé l'ordinateur au service après vente DARTY en invoquant des difficultés d'arrêt intermittentes et des blocages intempestifs, et l'a repris le 20 octobre 2001 sans qu'aucune anomalie n'ait été détectée; que le client l'ayant ramené le 10 décembre 2001pour le même motif; le S.A.V., suspectant la présence d'un virus, a formaté par précaution le disque dur, restauré complètement le système d'exploitation Microsoft Millenium, et lui a
restitué le 28 décembre 2001 le matériel après avoir effectué des essais ne révélant rien d'anormal;
Attendu que selon toutes apparences, cette intervention a permis de mettre fin aux dysfonctionnements qui avaient motivé la démarche initiale de Monsieur X... puisqu'il ne les évoque pas dans ses écritures;
Attendu que le 20 mars 2002, Monsieur X... rapportait à nouveau l'ordinateur en indiquant qu'il ne pouvait plus utiliser le logiciel de traitement de texte Word 2000; qu'après avoir constaté qu'en effet, la restauration du système d'exploitation imposait un nouvel enregistrement du numéro de licence de ce logiciel pour pouvoir le réactiver, le S.A.V. a remis l'appareil à sa disposition à compter du 28 décembre 2001 sans qu'il vienne toutefois le rechercher;
Attendu que si le service technique aurait certes du vérifier l'accès au traitement de texte Word 2000 avant de lui restituer l'ordinateur le 28 décembre 2001, Monsieur X... n'est pas fondé cependant à faire valoir que l'impossibilité d'utiliser ce logiciel lui a préjudicié, alors que cet oubli pouvait être en définitive très facilement et rapidement réparé, qu'il ne l'a signalé au vendeur que le 20 mars 2002, et qu'invité à reprendre son matériel dès le 23 mars 2002, il a attendu le 10 juin 2002 pour le récupérer;
Attendu que dans ces conditions, et en l'état de la complète remise en état du système informatique par le service après vente, et de l'absence de toute preuve d'un vice quelconque de nature à empêcher l'ordinateur de fonctionner normalement, cette seule omission ne constitue pas un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour
justifier la résolution de la vente, ni même l'allocation de dommages-intérêts; CA MONTPELLIER - 24 juin 2003 - Y... C/ Z...
Pour déclarer Madame Z... bien fondée par application de l'article 1184 du Code Civil en sa demande de résolution partielle de la vente et de réparation du préjudice causé par l'inexécution des obligations contractuelles du vendeur, le premier juge a considéré en substance:
qu'un vendeur informaticien a pour obligation, non seulement de livrer un logiciel mais aussi de s'assurer de sa compatibilité avec le matériel et les logiciels existants et de l'installer effectivement en transférant les données sur le logiciel acquis ou tout au moins en donnant tous éléments nécessaires à l'acheteur profane pour le faire lui-même aisément; qu'il s'agit d'une obligation de résultat dès lors que les connaissances et les moyens techniques lui permettent de conseiller et d'assister efficacement l'acheteur pour un résultat parfait;
que les constats et attestations précis produits par Madame Z... révèlent que le logiciel COCCILOG ne fonctionne pas sur le matériel informatique du cabinet, et que cette seule constatation établit l'inexécution par Monsieur Y... de son obligation contractuelle, ce qui engage sa responsabilité à défaut de preuve de l'existence d'une cause exonératoire, imprévisible et irrésistible;
En statuant ainsi, le premier juge a fait une analyse pertinente des éléments de fait réunis en la cause et une application exacte de la loi, en répondant aux moyens développés par Monsieur Y... qui en cause d'appel n'invoque aucun moyen nouveau pour critiquer cette décision.
Monsieur Y... ne saurait sérieusement prétendre que le logiciel
COCCILOG n'était pas destiné à équiper l'ordinateur CIBOX du cabinet dentaire de Madame Z... mais seulement l'ordinateur portable acheté en complément pour son domicile personnel, alors que la destination professionnelle de ce logiciel dentaire impliquait son utilisation sur le lieu- même d'exercice de sa profession. En outre, il a installé sur le PC CIBOX un nouveau disque dur de 8 GO spécialement à cette fin.
Il convient par ailleurs d'observer qu'il ne réfute pas les conclusions techniques précises de l'expert privé KAPLAN, dont il résulte que l'installation du logiciel COCCILOG n'a pas été achevée par le fournisseur, probablement en raison d'une incompatibilité avec les logiciels préexistants, et que les tentatives infructueuses d'installation de ce logiciel ont rendu inutilisable le système d'exploitation et nécessité sa réinstallation complète avec risque de perte de fichiers patients.
Enfin, l'affirmation de Monsieur Y... selon laquelle, contrairement aux mentions figurant sur le bon de commande initial du 24 mai 2000, il aurait été déchargé par Madame Z... du transfert des données, est formellement démentie par l'attestation de Monsieur A..., chef de projet de la SA HEALTH BOX, qui certifie avoir: " reçu de Monsieur Y... de la Société MIDI CONSEIL INFORMATIQUE une sauvegarde des données du Docteur Gabriella Z... au mois de juillet 2000 pour un transfert des dossiers du praticien vers le logiciel COCCILOG Art Dentaire".
IL résulte clairement de ces éléments convergents que Monsieur Y... a mal apprécié la compatibilité du logiciel vendu avec le matériel informatique préexistant et n'est pas parvenu à l'installer
correctement, ce qui en outre a généré un dysfonctionnement grave de l'ensemble de l'installation.
Dès lors c'est à bon droit que le premier juge l'a condamné à la restitution du prix de vente et à la réparation du préjudice qui en est résulté pour Madame Z.... Il convient toutefois de réduire le montant de ses dommages-intérêts à la somme de 1.500 €, en l'absence de justification par elle d'un préjudice plus important ni d'une perte de données lors de la réinstallation.
Retour à la liste des décisions