Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 3 avril 2002 (pourvoi 00-12.508)
Cour de cassation, 1ère chambre civile
3 avril 2002, pourvoi 00-12.508
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société pour le financement d'équipements de télécommunications (SFET), société anonyme dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 décembre 1999 par la cour d'appel de Versailles (12e Chambre civile, 1re Section), au profit :
1 / de la société IFT, société anonyme dont le siège est ...,
2 / de la société Entreprise générale de communications (EGT), société anonyme dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
La société Entreprise générale de communications a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 février 2002, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la Société pour le financement d'équipements de télécommunications, de Me Choucroy, avocat de la société IFT, de Me Hémery, avocat de la société Entreprise générale de télécommunications, les conclusions orales de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société IFT a commandé un matériel informatique auprès de la société EGT, puis a conclu un contrat de location financière avec la société SFET, bailleresse ; que le matériel s'étant révélé incompatible avec le logiciel dont la société IFT était équipée, celle-ci n'a plus réglé les loyers ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société SFET et le moyen unique du pourvoi provoqué de la société EGT, qui sont identiques :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société EGT et la société SFET, représentée par la société IFT, alors, selon le moyen, que l'acquéreur qui a en vue une utilisation bien précise du matériel qu'il achète a le devoir d'informer le fournisseur de ce matériel de l'utilisation qu'il entend en faire ;
qu'en déchargeant la société IFT, qui avait en vue l'exploitation commune du logiciel de traitement de texte dont elle était dotée et du matériel objet de la vente, de son devoir de collaboration avec le fournisseur, pour des raisons tirées de ce que cette société n'avait aucune compétence en matière informatique et de ce que sa société mère avait acheté un matériel de même nature qui s'était révélé compatible, cependant que l'incompétence supposée de la société IFT justifiait d'autant plus qu'elle se renseigne sur l'utilisation qu'elle pouvait faire du matériel qu'elle choisissait et qu'il est constant que le matériel acquis par sa société mère était d'un modèle différent de celui acquis par la société IFT, la cour d'appel, qui a estimé que la société IFT pouvait légitimement se prévaloir d'un vice du consentement, a violé l'article 1110 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le vendeur professionnel d'un matériel informatique est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil envers un client dépourvu de toute compétence en la matière ; qu'elle a constaté que la société EGT ne rapportait pas la preuve qu'elle avait fourni à la société IFT, sans compétence en matière informatique, la documentation ou les informations faisant état de l'incompatibilité du matériel fourni et du logiciel dont l'acquéreur était équipé, ni qu'elle ait attiré l'attention de celui-ci sur cette incompatibilité ; qu'en l'état de ses constatations et énonciations, elle a pu décider que seul le manquement du fournisseur à son obligation de renseignement et de conseil était à l'origine de l'erreur commise par l'acquéreur, incompétent en la matière ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de la société SFET :
Vu l'article 1184 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité du contrat de location conclu entre la société SFET et la société IFT en conséquence de l'annulation du contrat de vente conclu entre la société EGT et la société SFET ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la nullité de la vente entraîne la résiliation du contrat de location, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi provoqué ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location conclu entre la société SFET et la société IFT, l'arrêt rendu le 16 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société IFT et la société EGT aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille deux.
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