Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 3 mai 2000 (pourvoi 98-18.782)
Cour de cassation, chambre commerciale
3 mai 2000, pourvoi 98-18.782
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Compagnie médicale de financement de voitures et de matériels (CMV), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (25e Chambre civile, Section B), au profit de M. Henri X... Quoc Y..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 mars 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société CMV, de la SCP Monod et Colin, avocat de M. Duong Quoc Y..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1998), que M. X... s'est engagé envers la société DCM, pour une durée de quatre ans, à diffuser dans son officine de pharmacie des publicités vidéographiques, sur un matériel fourni par cette société et financé en crédit-bail par la société CMV Financement (société CMV), pour une période de même durée ; que la société DCM., après avoir informé M. X... de la cession de ses actifs à une société tierce et de la caducité consécutive du contrat de régie, a invité ce dernier à conclure un contrat avec ladite société; que M. X... n'ayant pas donné suite à cette proposition, les émissions ont été interrompues ; que celui-ci ne percevant plus les redevances publicitaires qui lui servaient à s'acquitter des loyers envers la société CMV, a cessé de payer le coût de la location du matériel ; que la société CMV l'a assigné en paiement des sommes contractuellement dues ;
Attendu que la société CMV reproche à l'arrêt, d'avoir dit que les contrats d'adhésion au réseau télématique et de crédit-bail étaient indivisibles, que la résiliation de fait du premier de ces contrats entraînait la résiliation du second et d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le locataire n'est pas fondé à opposer au crédit-bailleur l'exception d'inexécution tirée de ce que la société distributeur d'images avait cessé d'exécuter ses prestations dès lors qu'il n'a pas sollicité et obtenu judiciairement la résiliation ou la résolution du contrat conclu avec cette dernière ; qu'ainsi viole les articles 1134, 1165, 1184, 1217 et 1218 du Code civil, la cour d'appel qui, malgré l'absence d'action en justice introduite par M. X... à l'encontre de la société DCM, constate une "résiliation de fait" du contrat d'adhésion au réseau télématique pour en déduire la résiliation, par voie de conséquence, du contrat de crédit-bail ; alors, d'autre part, qu'après avoir relevé que la société Pharmimage avait proposé un nouveau contrat de diffusion d'images qui avait été refusé par M. X..., ce pour des raisons financières selon les énonciations du jugement, ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1217, 1218 et 1184 du Code civil, la cour d'appel qui, pour caractériser une indivisibilité entre le contrat de location et le contrat d'adhésion au réseau télématique, considère néanmoins que le système télématique ne pouvait avoir de réelle utilité qu'autant que la diffusion des messages publicitaires était assurée par la société DCM ; alors, enfin, que l'autonomie de la volonté permet aux parties de répartir comme elles l'entendent la charge des risques, notamment en matière commerciale ;
qu'en l'espèce, elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le pharmacien avait expressément accepté d'assumer le risque de défaillance du prestataire de services en signant le contrat de location qui précisait, dans les conditions particulières, que le locataire restait tenu de payer les loyers jusqu'au terme de la convention même au cas où le contrat d'exploitation conclu avec DCM ne serait pas exécuté ou serait résilié, de sorte qu'en refusant de faire produire effet à cette stipulation claire et précise et, partant, d'appliquer le système de répartition des risques tel qu'il résultait du contrat de location, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la durée des deux contrats était identique, que les conditions de rémunération de l'adhérent étaient en concordance avec le montant des redevances dues à la société CMV, et que la mise en place du système télématique, ne pouvait avoir de réelle utilité qu'autant que la diffusion des messages publicitaires était assurée par la société conceptrice, nommément visée dans le contrat conclu avec la société CMV, ce dont il déduit que les deux contrats étaient interdépendants et que la résiliation du contrat d'adhésion par la société DCM entraînait celle du contrat de crédit-bail ;
qu'ainsi, et dès lors que le texte de la clause invoquée par la société CMV dans ses écritures d'appel était en contradiction avec l'économie générale du contrat, telle que résultant de la commune intention des parties, la cour d'appel qui a légalement justifié sa décision a pu statuer comme elle l'a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CMV aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. Duong Quoc Y... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille.
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