Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 5 janvier 1999 (pourvoi 96-16.521)
Cour de cassation, chambre commerciale
5 janvier 1999, pourvoi 96-16.521
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Les Laboratoires Fournier, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 avril 1996 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 1re section), au profit de la société Dun et Bradstreet software (DBS), société anonyme, venant aux droits de la société anonyme Mac Cormack et Dodge France, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 novembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Apollis, conseiller, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Les Laboratoires Fournier, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Dun et Bradstreet software (DBS), aux droits de la société Mac Cormack et Dodge France, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 avril 1996), que, pour l'informatisation de sa comptabilité, la société Les Laboratoires Fournier (l'acheteur) a conclu, le 10 avril 1987, un contrat avec la société GEAC France, venant aux droits de la société Dun et Bradstreet software DBS (le vendeur), laquelle venait aux droits de la société Mac Cormack ;
que l'acheteur n'ayant pas été satisfait des progiciels du système mis en place au mois de décembre 1987, a assigné, le 12 juillet 1989, en résolution du contrat et en réparation de ses préjudices, le vendeur ; que celui-ci a reconventionnellement demandé le paiement du solde de sa facture ;
Attendu que l'acheteur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fournisseur d'un matériel a une obligation de conseil à l'égard de son client ; que cette obligation de conseil lui impose de s'informer des besoins de ce dernier et de l'informer de l'aptitude du matériel proposé à l'utilisation prévue ; qu'en déniant l'existence même d'une telle obligation de conseil et en imputant à faute à l'acheteur le fait de n'avoir "pas vérifié l'adéquation des fonctionnalités des logiciels à ses besoins comme elle en avait l'obligation", la cour d'appel a violé l'article 1135 du Code civil ;
et alors, d'autre part, qu'en toute matière les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel ;
qu'en se fondant sur une telle correspondance sans préciser ni rechercher les conditions dans lesquelles elle avait échappé au secret des relations entre l'avocat et son client, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu, d'une part, que si tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché, il en va différemment lorsque, comme en l'espèce, ainsi que le relève l'arrêt, l'acheteur, qui a porté son choix sur des progiciels standards de comptabilité, a bénéficié de la part de son vendeur, préalablement à la conclusion du contrat, d'une documentation complète et d'informations sur les fonctionnalités des progiciels, de démonstrations chez des clients utilisateurs, qu'il a même pu utiliser ces progiciels chez deux industriels et, enfin, que ses critiques, après dix-huit mois d'utilisation du système, n'ont porté que sur des fonctionnalités qu'il aurait souhaitées voir installées ou traitées de manières différentes ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que sa décision rendait inopérante, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Laboratoires Fournier aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Les Laboratoires Fournier à payer à la société Geac France venant aux droits de la société Dun et Bradstreet software (DBS) la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
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