Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 7 janvier 1997 (pourvoi 94-16.558)
Cour de cassation, chambre commerciale
7 janvier 1997, pourvoi 94-16.558
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 avril 1994 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), au profit :
1°/ de la Coopérative Coopamat Parc de la Défense, dont le siège est ...,
2°/ de la société Olivetti Logabax, société anonyme, dont le siège est 92000 Paris-La Défense,
3°/ de la société Batistem, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 novembre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. X..., de Me Cossa, avocat de la société Batistem, de Me Goutet, avocat de la Coopérative Coopamat Parc de la Défense, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Olivetti Logabax, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 avril 1994), que M. X... a commandé un micro-ordinateur à la société Olivetti Logabax, et, parallèlement, un matériel périphérique et un logiciel à la société Batistem; que pour le financement du périphérique et du logiciel, il a conclu un contrat de crédit-bail avec la société Coopamat Parc de la Défense ;
qu'ayant constaté une incompatibilité technique entre le micro-ordinateur et les autres équipements, M. X... a demandé la résolution des ventes et la résiliation du crédit-bail;
Sur le premier et le deuxième moyens, réunis, l'un pris en ses quatre branches, l'autre en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande contre les sociétés Olivetti Logabax et Batistem, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'attestation invoquée par M. X... et établie par M. Y..., ce dernier s'est présenté le 19 octobre 1987 dans les locaux de la société Olivetti avec le progiciel Batistem pour une démonstration sur le système PE 28 d'Olivetti, que face à l'effet de "diplopie" constaté par M. Y... lors de l'utilisation conjointe de ces deux matériels, le représentant de la société Olivetti lui a répondu qu'il ne s'agissait que d'un simple réglage à réaliser; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la société Olivetti avait précisé à M. Y... ou à son mandataire que l'utilisation conjointe du micro-ordinateur Olivetti et du progiciel Batistem était impossible; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas prouvé que la société Olivetti ait été consultée sur le choix de configuration à adopter, ni même pris une quelconque part à sa conception, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
alors, d'autre part, que l'obligation de conseil qui pèse sur le vendeur d'un matériel informatique englobe un devoir de mise en garde; que la cour d'appel, qui se contente d'affirmer qu'il n'est pas démontré que la société ait été directement ou indirectement consultée sur le choix de la configuration, et qui reproche à M. X... de ne pas avoir pris conseil auprès de l'un ou de l'autre de ses fournisseurs bien qu'il appartint au contraire à ces derniers de s'informer des besoins de leur client, a violé l'article 1147 du Code civil ;
alors, en outre, que la partie qui demande la confirmation d'un jugement est réputée s'en approprier les motifs; que, pour constater les manquements commis par la société Olivetti, le Tribunal avait estimé que : "Olivetti ne pouvait pas ignorer l'importance du problème, qu'il n'a pas satisfait à l'obligation de conseil et d'assistance et n'a fait preuve d'aucune diligence ;
que pour une livraison du 23 novembre 1987 et des dysfonctionnements dès avant la livraison et confirmés après, ce n'est que dans les lettres à l'expert du 30 juin 1989 et 5 juillet 1989 après réunion avec Batistem qu'Olivetti reconnaît que les dysfonctionnements existant avec la carte PG 1280 A n'existeraient plus dans une configuration différente avec la carte PG 640 A et un écran 20 "au lieu de 14" et qu'il aurait dû, dès les premières difficultés, proposer cette nouvelle configuration et remplacer le matériel, ce qu'il n'a pas fait"; que la cour d'appel, qui déboute M. X... de son action en responsabilité à l'encontre de la société Olivetti, sans s'expliquer sur les motifs précités, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, au surplus, que M. X... faisait valoir dans des conclusions délaissées que, lors de la réunion d'information du 19 octobre 1987, le matériel Olivetti et le matériel Batistem étaient assemblés et que dans ces conditions, il n'avait pas à informer les deux sociétés de son intention et qu'il n'avait nullement joué les maîtres d'oeuvre mais qu'il avait procédé à l'acquisition d'un ensemble qui lui avait été présenté à la vente comme compatible et cohérent; que la cour d'appel, qui reproche à M. X... d'avoir créé "une configuration informatique hasardeuse", sans s'être entouré de précautions et d'avoir joué le rôle de maître d'oeuvre sans répondre à ses écritures, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, de surcroît, que l'obligation de conseil, qui pèse sur le vendeur d'un matériel informatique, englobe un devoir de mise en garde; que la cour d'appel, qui se borne à relever qu'il n'était pas démontré que chaque fournisseur ait eu connaissance de l'utilisation qui allait être fait de son matériel et qui reproche à M. X... de ne pas avoir pris auprès d'eux conseil bien qu'il appartint au contraire aux fournisseurs de s'informer des besoins de leur client, a violé l'article 1147 du Code civil; alors, encore, qu'une obligation est indivisible quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution partielle que la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande en résolution des contrats de vente des matériels sans rechercher si, comme l'avait fait valoir M. X..., il n'y avait pas indivisibilité dès lors que dans son esprit l'achat portait sur un ensemble indissociable et que les matériels présentés par la société lors de la réunion de démonstration étaient associés; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1218 du Code civil; et alors, enfin, que M. X... faisait valoir dans des
conclusions demeurées sans réponse que la société Batistem avait manqué à son devoir de conseil en ne s'assurant pas de la compatibilité des différentes composantes de l'installation d'ensemble dès lors qu'elle connaissait la nature du matériel livré par la société Olivetti et qu'elle lui avait fourni un stage de formation ;
que la cour d'appel, en le déboutant de sa demande en résolution du contrat de vente conclu avec la société Batistem, sans répondre à ses écritures, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que bien que la société Olivetti ait participé, en présence de M. X..., à une démonstration, d'ailleurs partiellement infructueuse, de connexion entre son matériel et celui de la société Batistem, avec l'utilisation du logiciel de celle-ci, ni l'une ni l'autre de ces sociétés n'avait été, avant de recevoir commande d'un intermédiaire, agissant pour le compte de M. X..., consultées, ni directement ni indirectement, sur la configuration convenant à celui-ci, lequel avait assumé seul, et sans précautions, les responsabilités de maître d'oeuvre; que de ces constations, dont il résulte que les sociétés n'étaient pas informées de l'usage particulier, auquel l'acquéreur entendait affecter leurs matériels, la cour d'appel a pu retenir que ces sociétés n'avaient commis aucune faute contractuelle en livrant chacune un appareil ou un logiciel standard, sans avoir à veiller à leur compatibilité entre eux ;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et répondu aux conclusions prétendument délaissées;
Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que le matériel standard livré par la société Olivetti conformément à la commande assurait ses fonctions usuelles, la cour d'appel a, par là-même, écarté la faute retenue par les premiers juges contre la société en ce qu'elle aurait tardé à proposer un matériel de remplacement;
Attendu, en troisième lieu, qu'en retenant que les commandes de matériels avaient été adressées à chacun des fournisseurs pour des matériels standards, sans indication de leurs destinations, et que chacun des fournisseurs ignorait le projet de connexion de son matériel avec celui de l'autre, la cour d'appel a, par là-même, écarté l'indivisibilité invoquée;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande contre la société Coopamat , alors, selon le pourvoi, que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation n'est pas limitée à la porté du moyen qui constitue la base de la cassation en cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire; qu'il y a dépendance nécessaire entre deux dispositions du même arrêt dans le cas où l'un des motifs de la décision dont le caractère erroné a entraîné la cassation d'une disposition dont il était le support constitue également le soutien indispensable d'une autre disposition de l'arrêt; que la condamnation de M. X... au paiement d'une somme de 59 635,68 francs et le prononcé, à ses torts de la résiliation du contrat de crédit-bail le liant à la Coopamat, procède exclusivement du rejet par la cour d'appel des demandes en résolution judiciaire formées par M. X... à l'encontre des sociétés Olivetti et Batistem; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation aura donc pour conséquence l'annulation de la résiliation du contrat de crédit-bail et de la condamnation au paiement de M. X... en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu'aucune cassation n'étant prononcée sur les autres moyens, il n'y a pas lieu à cassation par voie de conséquence;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Coopamat;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.
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