Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 28 mai 1996 (pourvoi 94-15.173)
Cour de cassation, chambre commerciale
28 mai 1996, pourvoi 94-15.173
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Num, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 mars 1994 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit de M. Jacques X..., demeurant ..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Prorectif,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 2 avril 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Badi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Armand-Prevost, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, Mme Mouillard, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Badi, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Num, de Me Bertrand, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 1994), que la société Prorectif a été mise en redressement judiciaire le 11 janvier 1993, sans avoir payé les matériels livrés par la société Num; que, se fondant sur une clause de réserve de propriété, celle-ci a revendiqué ces matériels;
Attendu que la société Num fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en revendication, alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'il incombe au vendeur de marchandises, revendiquant celles-ci, de prouver l'identité entre les marchandises livrées et celles existant en nature au jour du jugement prononçant le redressement judicaire, cette preuve peut être rapportée par tous moyens et n'est pas subordonnée à l'établissement d'un inventaire au sens de l'article 27 de la loi du 25 janvier 1985; qu'en déniant toute valeur probatoire au procès-verbal de saisie-revendication dressé contradictoirement le 18 décembre 1992, ayant eu pour effet de rendre indisponibles les commandes numériques n 110098, 110099 et 110100, le directeur général de la société Prorectif en étant constitué gardien, après avoir énoncé que la preuve de l'existence en nature du matériel vendu par la société Num devait être rapportée par un inventaire établi dans les quelques jours qui suivent le redressement judiciaire et qu'une telle preuve ne résultait pas du "récolement d'inventaire" établi le 9 mars 1993, la cour d'appel a violé l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
et alors, d'autre part, que, pour échapper à la revendication, le matériel doit être devenu définitivement et irrémédiablement indissociable de l'installation à laquelle il a été incorporé; qu'il n'en va pas ainsi lorsque le matériel a simplement fait l'objet d'un assemblage et peut être retiré par simple dévissage ou déconnexion; que, dans ses conclusions d'appel, la société Num avait invité la cour d'appel à rechercher si les commandes numériques et les cartes électroniques les équipant n'avaient pas été simplement connectées aux rectifieuses, ces commandes pouvant alors être très facilement détachées de leur support par une simple opération de déconnexion ou de dévissage; qu'en se bornant à affirmer que les commandes numériques avaient été intégrées aux rectifieuses avec lesquelles elles formaient un tout indissociable, sans s'expliquer sur le caractère irrémédiable de cette prétendue indissociation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le procès-verbal de saisie du 18 décembre 1992 ne saurait faire la preuve de l'existence en nature au 11 janvier 1993, date du jugement d'ouverture, du matériel vendu par la société Num, l'arrêt relève que les commandes numériques servant à leur fonctionnement et à leur programmation avaient été intégrées à des machines outils avec lesquelles elles forment un tout indissociable dès lors que ces machines sont conçues pour fonctionner à l'aide d'une structure informatique, faisant ainsi ressortir que l'intégration des commandes numériques avait pour conséquence la création d'un ensemble nouveau; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, écartant l'existence en nature des matériels litigieux à la date du jugement d'ouverture, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants justement critiqués par la première branche ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Num, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-seize.
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