Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 13 octobre 1992 (pourvoi 90-21.603)
Cour de cassation, chambre commerciale
13 octobre 1992, pourvoi 90-21.603
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Rollet, société anonyme dont le siège social est sis ... (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 27 septembre 1990 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit de la société Nintendo company limited, société de droit japonais ayant son siège 60 Fukuine Kamintaka Latsu Cho, Higashiyamaku, Kyoto (Japon),
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 juin 1992, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Rollet, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Nintendo company, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 27 septembre 1990) que la société Nintendo company (société Nintendo), titulaire des marques Nintendo, déposée le 4 janvier 1982, enregistrée sous le numéro 1 191 464, et Super Mario Bros, déposée le 3 avril 1986, enregistrée sous le numéro 1 362 555, pour désigner les produits et services des classes 9, 14 et 28, a assigné la société Rollet pour contrefaçon des marques et des logiciels Tennis et Super Mario Bros, ainsi que pour concurrence déloyale ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt par la société Rollet d'avoir déclaré que les marques Nintendo et Super Mario Bros avaient été contrefaites, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la contrefaçon de marques suppose le reproduction matérielle de la marque ; qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir que la marque Nintendo ait pu faire l'objet d'une reproduction par la société Rollet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 422 du Code pénal (loi du 31 décembre 1964) ; alors, d'autre part, qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir, en réfutation aux conclusions de la société Rollet, que la marque Nintendo ait pu faire l'objet d'une utilisation autre que celle licite d'une utilisation comme accessoire commercial
nécessaire à la démonstration du caractère "compatible" d'une console, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 422 et 422-2 du Code pénal (loi du 31 décembre 1964) ; alors, enfin, qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir que la prétendue intention, dont la cour d'appel a fait état, d'organiser la contrefaçon de logiciel, ait pu se consommer dans la reproduction de la marque Nintendo à des fins autres que les besoins de la démonstration du caractère compatible de la console, la cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 422 du Code pénal (loi du 31 décembre 1964), ensemble de l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que le procès-verbal de saisie-contrefaçon établissait que la marque Nintendo apparaissait à deux reprises dans la présentation des jeux intitulés Tennis et Super Mario Bros, et, sans avoir à procéder à la recherche invoquée sur les motifs de l'utilisation de la marque par la société Rollet, a déduit exactement de ces constations que la contrefaçon de la marque Nintendo était établie ; d'où il suit que le premier moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt par la société Rollet d'avoir déclaré que les logiciels intitulés Tennis et Super Mario Bros avaient été contrefaits, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la contrefaçon de logiciels suppose la reproduction matérielle de logiciels ; qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir que les logiciels Tennis et Super Mario Bros aient pu faire l'objet de copies en vue de leur commercialisation par la société Rollet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 426 du Code pénal (loi du 3 juillet 1985) ; alors, d'autre part, qu'en ne procédant à aucune constatation de nature à établir, en réfutation aux conclusions de la société Rollet que les logiciels Tennis et Super Mario Bros aient pu faire l'objet d'une utilisation autre que celle licite d'une utilisation comme accessoire commercial nécessaire à la démonstration du caractère "compatible" d'une console, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 426 du Code pénal (loi du 3 juillet 1985) ; alors, enfin, qu'en ne procédant à aucune constatation de nature que la prétendue intention, dont la cour d'appel a fait état, d'organiser la contrefaçon de logiciels ait pu se consommer dans la reproduction des logiciels Tennis et Super Mario Bros à des fins autres que les besoins de la démonstration du caractère compatible de la console,
la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 426 du Code pénal (loi du 3 juillet 1965), ensemble de l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que la société Rollet ne contestait pas avoir utilisé ces jeux
qui étaient contrefaits, et, sans avoir à procéder à la recherche invoquée sur les motifs de l'utilisation des jeux par la société Rollet, a déduit exactement de ces constations que la contrefaçon des logiciels intitulés Tennis et Super Mario Bros était établie ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société Rollet avait commis des actes de concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, que la concurrence déloyale suppose caractérisée l'existence d'un préjudice ; qu'en n'opposant aucune réfutation aux motifs du jugement constatant que la société Rollet avait commercialisé les consoles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a caractérisé le préjudice subi par la société Nintendo en retenant qu'il était établi que la console de la société Rollet, fabriquée pour être utilisée avec les jeux contrefaits, était elle-même la copie d'une console de la société Nintendo et avait servi à diffuser des produits contrefaits au moment où la société Nintendo faisait un important effort pour commercialiser ses propres produits ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société Nintendo sollicite, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'allocation d'une somme de vingt mille francs ; Et attendu qu'il y a lieu d'accueillir cette demande ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Rollet à payer à la société Nintendo la somme de vingt mille francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
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