DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. soc., 2 juillet 1987
pourvoi 85-18.434

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 juillet 1987 (pourvoi 85-18.434)

Cour de cassation, chambre sociale
2 juillet 1987, pourvoi 85-18.434

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 31 octobre 1985) que la société Peignage Amédée a manifesté en 1984 l'intention d'installer un nouvel ordinateur, permettant notamment l'implantation de terminaux dans un plus grand nombre de services ; qu'une demande d'information écrite de sa part n'ayant pas été satisfaite, le comité d'entreprise, estimant qu'il s'agissait d'un projet important d'introduction de nouvelles technologies, a décidé de faire appel à un expert, en application des articles L. 432-2 et L. 434-6 du Code du travail ; que, l'employeur ayant soutenu que le projet n'introduisait aucune technologie nouvelle et qu'il n'y avait pas lieu à la désignation d'un expert, le comité a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en urgence, d'une demande de désignation de M. Z... et de l'association " Institut Entreprise et Politique Industrielle " en qualité d'expert chargé d'informer le comité d'entreprise ; que cette juridiction a accueilli la demande ;

Attendu que la société Peignage Amédée fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé cette ordonnance, alors, d'une part, que l'extension ou le développement de moyens informatiques existant dans l'entreprise ne peut être considéré comme l'introduction d'une nouvelle technologie, que la société Peignage Amédée est équipée de moyens informatiques (ordinateurs) depuis 1974, qu'en 1978 elle a remplacé son ordinateur alors existant par un ordinateur C II Honeywell Bull 61-40 dit " de troisième génération " doté de 6 écrans, que la modification technologique litigieuse a résulté, en juillet 1984, du remplacement de cet ordinateur par un autre ordinateur de " troisième génération ", l'ordinateur IBM 38-6, plus performant, permettant de décentraliser les écrans dans les services, qu'il ne s'agit pas là de l'" introduction de nouvelles technologies " selon l'article L. 432-2 du Code du travail, de sorte que c'est en violation des articles L. 432-2 et L. 434-6 du Code du travail que l'arrêt attaqué a admis la désignation d'expert sollicitée par le comité d'entreprise ; alors, d'autre part, que, manque de base légale au regard de ces textes, l'arrêt attaqué qui a admis la désignation d'expert sollicitée par le comité d'entreprise sans vérifier, par comparaison entre la situation technologique résultant du fonctionnement de l'ordinateur CII HB 61-40 précédent, et celle résultant de la mise en place en juillet 1984 de l'ordinateur litigieux IMB 38-6, la condition de nouveauté posée par le législateur ; alors, en outre, que n'a pas légalement caractérisé la condition d'importance du projet visé par lesdits articles, l'arrêt attaqué, dans l'hypothèse de l'espèce où la modification technologique litigieuse constatée a consisté seulement en la substitution d'un ordinateur dit " de troisième génération " par un ordinateur plus performant de même type, et alors enfin, que, dans ses conclusions d'appel, la société faisait valoir que le nouvel ordinateur IBM 38-6 permet à une personne non spécialiste de l'informatique d'accéder aux procédures d'utilisation, que sur le plan des conditions de travail et des qualifications la nouveauté ne concerne pratiquement pas les personnes ayant déjà occupé un poste de travail dans l'organisation informatique précédente, que, quant aux

autres personnes dont le nombre sera très restreint, au moins dans les premiers temps, essentiellement le personnel d'encadrement des peignages, celui du pesage des balles de laine, la situation eût été analogue si le développement informatique s'était fait par un accroissement du nombre des postes de travail sur les ordinateurs déjà utilisés au peignage et non par l'acquisition de l'IBM 38-6, et que l'acquisition de ce nouveau matériel n'était en rien susceptible de constituer une menace pour l'emploi des personnes extérieures au service informatique, puisque, pour ces dernières, l'informatique ne constitue qu'un outil facilitant les tâches qu'elles ont à effectuer, mais ne représente pas leur " raison d'être " dans l'entreprise ; que les juges du fond, qui ne se sont pas expliqués sur ces moyens et ont relevé que le responsable du projet avait fait référence à une " réorganisation intérieure et au reclassement de deux personnes ", sur un personnel de plus de 1 000 salariés, n'ont pas caractérisé légalement la mise en oeuvre en l'espèce des dispositions des textes susvisés ;

Mais attendu que les juges du fond ont relevé que le changement de matériel informatique opéré par la société Peignage Amédée avait non seulement pour effet de doter cette entreprise d'un matériel plus performant sur le plan technique, mais encore de modifier profondément ses méthodes de gestion par la connexion entre les divers matériels informatiques des entreprises du groupe, la multiplication des terminaux au sein de l'entreprise, l'élaboration de programmes qui devait s'établir sur plusieurs années, chaque secteur devant gérer ses propres informations et étant responsable des données qu'il entrera dans l'ordinateur et par le nombre plus important de salariés ayant accès aux terminaux ;

Qu'en déduisant de ces constatations qu'il s'agissait donc, en l'espèce, d'un projet important d'introduction d'une nouvelle technologie susceptible d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération et, plus particulièrement, sur la formation et les conditions de travail du personnel, les juges du fond, qui n'étaient pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont de ce chef légalement justifié leur décision ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Peignage Amédée fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance précitée, alors, d'une part, que l'article L. 434-6 du Code du travail n'ayant prévu, dans les conditions énoncées à l'article L. 432-2 du même Code, que la possibilité pour le comité d'entreprise d'avoir recours à un seul expert, c'est en méconnaissance de l'article L. 434-6 que l'arrêt attaqué a admis, sur le fondement de ce texte, la désignation à titre d'experts de deux personnes distinctes, à savoir M. Y... et l'association " Institut Entreprise et Politique Industrielle " et alors, d'autre part, qu'après avoir constaté que M. Y... " appartenait " à l'association, l'arrêt attaqué, qui a désigné en qualité d'expert M. Y... et cette association, a omis de s'expliquer sur les moyens des conclusions d'appel de la société Peignage Amédée faisant valoir qu'il apparaît douteux que l'association " Institut Entreprise et Politique Industrielle " et M. Y... puissent accomplir en toute impartialité et en toute

objectivité leur mission, du fait que ladite association est présidée par M. X..., membre du comité central du Parti communiste français, c'est-à-dire d'un parti politique dont l'objectif, en matière économique, est la disparition des entreprises privées ;

Mais attendu, d'une part, que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'aucune critique sérieuse n'était adressée à l'expert ni sur le plan de sa compétence ni sur le plan de son impartialité et a ainsi répondu, en les rejetant, aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, d'autre part, que l'ordonnance entreprise avait désigné M. Jacques Y... et l'association " Institut Entreprise et Politique Industrielle " comme expert en la cause, que la société s'était bornée, devant la cour d'appel, à soutenir que M. Y... et l'association ne présentaient pas les qualités requises pour remplir la mission d'expertise et que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise ;

Qu'ainsi la société, n'ayant pas critiqué en appel la décision du premier juge en ce qu'elle aurait désigné deux experts, est irrecevable à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


 

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