DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

CA Lyon, 15 janvier 2009
RG 07-07181

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour d'appel de Lyon, du 15 janvier 2009 (RG 07-07181)

Cour d'appel de Lyon
15 janvier 2009, RG 07-07181

COUR D'APPEL DE LYON
Troisième Chambre Civile

SECTION B


ARRET DU 15 Janvier 2009



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 02 octobre 2007 - N° rôle : 2006j313


N° RG : 07/07181

Nature du recours : Appel

APPELANTE :


Gie MONSIEUR STORE
13, rue de Champy

38120 ST EGREVE

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de la SELARL BRUN - KANEDANIAN, avocats au barreau de GRENOBLE


INTIMEE :


Société MAUCHAMP GOBERT ET ASSOCIE SA
50, cours Franklin Roosevelt

69006 LYON 06

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assistée de la SCP CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de LYON

INTERVENANTE VOLONTAIRE :


Société DECEMBER, SARL,
50, cours Franklin Roosevelt

69006 LYON 06

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assistée de la SCP CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de LYON


Instruction clôturée le 14 Octobre 2008


Audience publique du 27 Novembre 2008

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,


COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :


Madame Laurence FLISE, Président
Madame Christine DEVALETTE, Conseiller

Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller


DEBATS : à l'audience publique du 27 Novembre 2008

sur le rapport de Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller


GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Janvier 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;


Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat du 13 septembre 1994, le GIE MONSIEUR STORE, qui anime un réseau de distributeurs de stores, a confié à la société MAUCHAMP, GOBERT & ASSOCIES (MGA) la gestion des actions de communication de son enseigne sur le territoire français pour l'année 1995, moyennant une rémunération forfaitaire de 600 000 F « pour l'ensemble de sa mission de conseil ainsi que pour la cession des droits sur l'ensemble des créations réalisées » (article 5-1). Le contrat s'est poursuivi au-delà de l'année 1995.

Il a fait l'objet d'un premier avenant le 3 janvier 2001, puis d'un second le 5 avril 2002 qui a notamment fixé une durée de trois années à compter du 1er janvier 2003, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard le 30 juin de la dernière année de chaque période triennale.

Parallèlement, le GIE MONSIEUR STORE a confié à la société DECEMBER, filiale de MGA, le développement en ligne de son action de communication.

Par lettre du 15 juin 2005, le GIE MONSIEUR STORE a dénoncé le contrat la liant avec la société MGA avec effet au 31 décembre 2005.

Par lettre du 7 octobre 2005, il a mis en demeure la société MGA de lui transmettre les fichiers sources des créations publicitaires. Celle-ci ne s'étant pas exécutée, par lettre du 18 novembre 2005 il a constaté la résiliation des relations contractuelles pour faute grave.

Par assignation devant le juge des référés du tribunal de commerce de LYON délivrée le 27 décembre 2005, il a poursuivi la condamnation de la société MGA à lui transmettre les fichiers nécessaires à l'exploitation des créations publicitaires réalisées pour son compte.


Par ordonnance du 12 juin 2006, le juge des référés a renvoyé l'affaire au fond devant le tribunal de commerce de LYON, qui le 27 janvier 2006 avait été saisi par la société MGA d'une action à l'encontre du GIE MONSIEUR STORE en réparation du préjudice résultant pour elle de la rupture brutale des relations contractuelles. La société DECEMBER est intervenue à l'instance.

Par jugement du 2 octobre 2007, le tribunal de commerce de LYON a :

- ordonné la jonction des instances

- rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par le GIE MONSIEUR STORE

- débouté la société MGA de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales

- dit que le GIE MONSIEUR STORE a contrefait les droits d'auteur de la société MGA sur les créations issues de leurs relations

- l'a condamné à payer à la société MGA la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts

- lui a fait défense de récidiver sous peine d'astreinte définitive de 100 € par infraction constatée

- ordonné la destruction devant huissier de justice et aux frais du GIE MONSIEUR STORE de tous documents contrefaisant les créations réalisées par la société MGA, et sous astreinte de 100 € par jour de retard après l'expiration du délai de trois mois suivant la signification du jugement

- rejeté la demande de la société DECEMBER du chef de contrefaçon de droits d'auteur

- dit bien fondée la résiliation par le GIE MONSIEUR STORE du contrat du 13 septembre 2004 et de ses avenants

- l'a condamné à payer à la société MGA la somme de 56 204,82 € TTC au titre des factures des mois de novembre 2005, outre intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2006, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil

- rejeté la demande de publication de la décision dans les journaux et périodiques

- débouté le GIE MONSIEUR STORE de sa demande de transmission des outils et fichiers nécessaires à l'exploitation des droits d'auteur propriété de la société MGA, et de sa demande de dommages-intérêts correspondants

- ordonné l'exécution provisoire

- rejeté les autres demandes des parties

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GIE MONSIEUR STORE a interjeté appel le 15 novembre 2007.

Il a vu rejeter sa demande en arrêt de l'exécution provisoire par ordonnance du 22 janvier 2008 du premier président de la cour de céans.

Dans ses dernières conclusions, expressément visées par la Cour, il sollicite la réformation du jugement du 2 octobre 2007 et :

1/ à titre principal : soulève l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de LYON au profit du tribunal de commerce de GRENOBLE, devant lequel il demande le renvoi des affaires jointes ;

2/ à titre subsidiaire, au fond, demande :

- le rejet des prétentions de la société MGA et de la société DECEMBER ;

- la condamnation de la société MGA à lui transmettre l'ensemble des fichiers nécessaires à l'exploitation des créations publicitaires réalisées pour le compte du GIE MONSIEUR STORE, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- la condamnation de la société MGA à lui payer la somme de 30 000 € en réparation du préjudice consécutif à la rétention abusive desdits fichiers

3/ en tout état de cause, sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la compétence :

Concernant la société MGA : il se prévaut de la clause du contrat du 13 septembre 1994 stipulant que tout litige relatif à l'acte sera de la compétence exclusive des tribunaux de GRENOBLE, et conteste que l'action introduite par lui devant la juridiction des référés du tribunal de commerce de LYON vaille renonciation à l'application de la clause dans l'instance au fond.

Concernant la société DECEMBER : il fait valoir que le contrat ne contient aucune clause attributive de compétence, et demande l'application des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile aux termes duquel la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur.

En ce qui concerne la société MGA, su la propriété des droits d'exploitation, il se prévaut des dispositions de l'article 8-1 du contrat du 13 septembre 1994, aux termes duquel "le versement de la rémunération prévue pour les travaux de conception des campagnes publicitaires implique la cession totale des droits d'exploitation (droit de représentation, droit de reproduction, droit d'adaptation) des œuvres objet de ce contrat au bénéfice du GIE MONSIEUR STORE pour le territoire français, et ce dès leur création quel que soit l'avancement de ladite création ; lesdites cessions sont effectuées pour la durée légale de protection des droits d'auteur".

Il conteste la thèse de la société MGA selon laquelle la modification dudit article par l'avenant du 3 janvier 2001, qui ne fait plus mention du mode de rémunération de la cession des droits, impliquerait à compter de cette date l'absence de rémunération, donc la nullité des cessions.

Il ajoute que chaque cession de droits d'exploitation a fait l'objet d'une facture distincte en tant que "achat d'art", dont le règlement le rendait titulaire du droit, notamment du droit de reproduction.

Concernant la société DECEMBER, il expose que :

- celle-ci a été retenue à la suite d'un appel d'offres pour la réalisation d'un site internet, et par courriel du 14 décembre 2004 a confirmé les termes de ses prestations, incluant la livraison des codes sources ;

- elle n'est pas fondée à prétendre que la cession aurait été limitée aux années 2004 et 2005.

Sur la résiliation anticipée, il expose que :

- depuis l'origine et jusqu'en 2004, la société MGA lui a transmis les fichiers informatiques sur lesquels étaient enregistrées les œuvres dont il avait acquis les droits d'exploitation ;

- la société MGA les a totalement retenus à compter du jour où elle a appris la non-reconduction du contrat en fin d'année 2005 ;

- de ce fait, il mis en œuvre le droit de résiliation anticipée prévu au contrat en cas de défaillance de la société MGA à laquelle il ne serait pas remédié dans le délai de 30 jours suivant l'envoi d'une lettre d'avertissement (article 11).

Aux termes de ses dernières écritures, expressément visées par la Cour, les sociétés MGA et DECEMBER celle-ci intervenante volontaire, concluent à la réformation partielle du jugement entrepris, et demandent à la Cour de :

- rejeter l'exception d'incompétence territoriale,

- condamner le GIE MONSIEUR STORE à payer à la société MGA la somme de 939 000 € HT à titre de dommages-intérêts à titre d'indemnisation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales,

- condamner le GIE MONSIEUR STORE à payer à la société MGA la somme de 56 204,82 € TTC au titre de ses factures de novembre et décembre 2005,

- condamner le GIE MONSIEUR STORE à payer à la société MGA la somme de 690 000 HT en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon de ses droits d'auteur,

- condamner le GIE MONSIEUR STORE à payer à la société DECEMBER la somme de 150 000 HT en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon de ses droits d'auteur,

- ordonner au GIE MONSIEUR STORE d'ordonner le rappel auprès de l'ensemble de ses adhérents de tous documents ou supports reproduisant ou imitant les créations de la société MGA,

- ordonner la destruction devant huissier de justice aux frais du GIE MONSIEUR STORE de tous les catalogues et tous autres supports reproduisant ou imitant les créations de la société MGA,

- faire défense au GIE MONSIEUR STORE de récidiver les faits de contrefaçon sous peine d'astreinte de 1 000 € par infraction constatée après l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir par extraits dans cinq journaux au choix de la société MGA aux frais du GIE MONSIEUR STORE à concurrence de 4 000 € HT par insertion,


- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site internet du GIE MONSIEUR STORE pendant une période continue de deux mois,

- lui allouer une indemnité de 75 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Sur la compétence, elles se prévalent de la compétence des juridictions lyonnaises :

- la société DECEMBER : du fait que la représentation de ses créations a été constatée dans le ressort du tribunal de commerce de LYON par l'intermédiaire du site internet du GIE ;

- la société MGA : en raison de la saisine du tribunal de commerce de LYON par le GIE MONSIEUR STORE ;

- les deux : en raison de la connexité existant entre l'instance introduite par le GIE MONSIEUR STORE d'une part et les instances engagées par elles à son encontre.

Au fond, en premier lieu, la société MGA soutient que le GIE a rompu brutalement une relation commerciale établie depuis onze années, exposant que :

- la dénonciation du contrat par courrier du 15 juin 2005 "ne peut s'analyser comme une rupture non équivoque des relations commerciales", et que la volonté de poursuivre les relations au-delà du 31 décembre 2005 se déduit des courriels ayant précédé et suivi cette dénonciation ; il en prend pour preuve :

- comme l'a retenu le tribunal de commerce, "la fin objective de renouvellement dudit contrat (ne) s'est matérialisée (que) par le courrier du 7 octobre 2005" dans lequel le GIE l'a informée de ce qu'elle ne pouvait envisager la conclusion d'un nouveau contrat ;

- la fin de la relation a finalement été concrétisée par l'envoi par le GIE le 18 novembre 2005 d'un courrier aux termes duquel "l'absence de transmission de fichiers source... a donc emporté la résiliation du contrat à la date du 8 novembre 2005".

Elle soutient que la non-transmission des fichiers, qui ne pouvait lui être reprochée, ne pouvait fonder la résiliation du contrat à ses torts.

Elle estime à trois années la durée du préavis qui aurait dû être respecté, et évalue son préjudice à 939 000 €, correspondant à son manque à gagner sur cette période, sur la base d'un rapport d'expertise demandé à Monsieur Z..., expert-comptable.

La société DECEMBER se plaint également d'une rupture brutale, exposant avoir été retenue à la suite d'un appel d'offres courant 2004, avoir adressé un devis au GIE pour les années 2004 et 2005, avoir réalisé le site internet, avoir début 2006 proposé la mise en place d'une stratégie d'animation du site, mais que le GIE n'a pas donné suite à cette proposition.

Sur la contrefaçon, la société MGA expose que :

- aucune cession des droits d'auteur des créations de la société concluante n'est intervenue au profit du GIE MONSIEUR STORE ;

- l'article 8-1 du contrat qui prévoit la cession globale des droits d'exploitation n'est pas valable faute de délimiter le domaine d'exploitation quant à son étendue et à la destination du ou des droits cédés ;

- la rémunération forfaitaire pour la cession de l'ensemble des droits d'exploitation, prévue par l'article 5-1, est irrégulière ;

- les factures concernant les "achats d'art" ne correspondaient pas à la rémunération de la cession de chaque œuvre, comme le prétend le GIE, mais portaient sur l'exécution technique des créations, telles que l'acquisition par MGA de prestations graphiques ou photographiques ;

- le GIE a reconnu dans un courrier adressé à la société KSM le 12 décembre 2003 qu'il ne disposait que d'un droit d'utilisation des illustrations et que l'agence MGA détenait la propriété des droits artistiques.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'en toute hypothèse à compter du 1er janvier 2000, date d'effet de l'avenant signé le 3 janvier 2001, la cession des droits d'exploitation n'est plus mentionnée à l'article 5-1 modifié, n'est donc plus rémunérée, et n'est donc plus valide.

Elle indique qu'en 2006, 2007, et encore 2008 mais de manière plus sournoise, le GIE MONSIEUR STORE a reproduit certaines de ses créations (mise en page, illustrations, photographies, concepts, etc.).

Elle évalue son préjudice sur la base de ce qui était prévu dans le projet de contrat négocié en 2005, qui prévoyait une rémunération à hauteur de 10 % du budget publicitaire du GIE MONSIEUR STORE, qui doit être portée à 30 % compte tenu de la non-reconduction du contrat, soit avec un budget annuel de 2,3 millions d'euros une indemnité de 690 000 €, précisant que les catalogues illicitement réalisés sont diffusés à plus de 70 000 exemplaires.

La société DECEMBER se plaint également de l'exploitation par le GIE MONSIEUR STORE en 2006 après la rupture des relations contractuelles du site internet qu'elle a conçu, et dont elle n'a pas cédé les droits. Elle évalue son préjudice à 150 000 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2007.


SUR CE :


- Sur la compétence territoriale :

L'instance en référé est distincte de l'instance au fond. Le fait pour une partie de ne pas invoquer une clause attributive de compétence dans le cadre d'une instance de référé ne manifeste pas une volonté non équivoque de sa part de renoncer à s'en prévaloir dans le cadre d'une instance ultérieure au fond, quand bien même les deux instances concerneraient le même litige.

En l'espèce, la saisine du juge des référés du tribunal de commerce de LYON par le GIE MONSIEUR STORE aux fins de condamnation de la société MGA à lui transmettre l'ensemble des fichiers nécessaires à l'exploitation des créations publicitaires n'implique aucune renonciation à se prévaloir dans l'instance au fond de la clause incluse au contrat signé entre les parties aux termes de laquelle « tout litige relatif au présent acte sera de la compétence exclusive des tribunaux de Grenoble même en cas d'appel en garantie et de pluralité de défendeurs ».

Cependant, avant d'être saisi par l'ordonnance de référé du 12 juin 2008 de la réclamation du GIE MONSIEUR STORE, le tribunal de commerce de LYON a été saisi le 27 janvier 2006 par la société MGA d'une action en indemnisation du préjudice consécutif à une prétendue rupture brutale des relations contractuelles d'une part, et, d'autre part, d'une action en indemnisation du préjudice résultant des actes de contrefaçon dont elle se dit victime, l'une et l'autre de nature délictuelle et n'entrant donc pas dans le champ de la clause attributive de compétence territoriale.

La juridiction lyonnaise, dans le ressort duquel les dommages allégués auraient été subis, est donc compétente.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur la compétence territoriale.


- Sur les relations entre le GIE MONSIEUR STORE et la société MGA :


- Sur la propriété des droits artistiques :

En application l'article L. 131-1 du code de la propriété industrielle, la cession des œuvres futures est nulle. Cependant, le contrat de commande, qui prévoit l'engagement d'exécuter un travail déterminé, ne constitue pas un contrat de cession d'œuvres futures. En l'espèce, le contrat litigieux, qui est un contrat de commande, n'encourt donc pas la nullité prévue par l'article ci-dessus.

En application de l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle :

« Dans le cas d'une œuvre de commande utilisée pour la publicité, le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne, sauf clause contraire, cession au producteur des droits d'exploitation de l'œuvre, dès lors que ce contrat précise la rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de l'œuvre en fonction notamment de la zone géographique, de la durée d'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support. »

Cette disposition institue une présomption de cession des droits quand le contrat répond aux conditions fixées. En l'espèce, où le contrat ne distingue pas les modes d'exploitation des œuvres en fonction de l'importance des tirages et la nature des supports, ces conditions ne sont pas remplies.

En application de l'article L. 131-3, alinéa 1, du code de la propriété industrielle :

« La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »

L'article L. 131-4 du même code pose le principe d'une rémunération proportionnelle mais admet des dérogations à ce principe.

En l'espèce, où la qualité d'auteur revendiquée par la société MGA n'a pas été contestée, le contrat signé en 1994 entre les parties a prévu :

- en son article 5.1, le versement à MGA pour la cession des droits sur les créations réalisées d'une somme forfaitaire de 600 000 F, payable mensuellement sous forme d'honoraires soit 50 000 F par mois

- en son article 8.1, que « Le versement de la rémunération prévue pour les travaux de conception des campagnes publicitaires implique la cession totale des droits d'exploitation (droit de représentation, droit de reproduction, droit d'adaptation) des œuvres objet du contrat au bénéfice du GIE MONSIEUR STORE pour le territoire français, et ce dès leur création quel que soit l'avancement de la dite création. Lesdites cessions sont effectuées pour la durée légale de protection des droits de l'auteur ».

L'avenant signé le 3 janvier 2001 a modifié l'article 5.1 prévoyant que :

« Les honoraires sont fixés annuellement en fonction du nombre d'adhérents prévu pour le début de saison (portes ouvertes de mars) et devant être communiqué par le GIE MONSIEUR STORE à MGA, au plus tard le 31 décembre de chaque année pour l'année suivante.

La rémunération de MGA sera mise en place de façon différenciée entre les entreprises et les agences, sur la base des montants suivants :

Point de vente principal : 12 000 € HT par an

Agence : 6 000 € par an. »

L'avenant signé le 5 avril 2002 a repris ces dispositions, mais fixé la rémunération de MGA à 2 200 € HT par an pour les points de vente principaux, et à 1 100 € HT par an pour les agences.

Ni le premier, ni le second avenant n'ont modifié l'article 8.1 du contrat, qui est donc resté en vigueur.

A l'égard de la société MGA, qui ici a la qualité d'auteur, mais que son activité d'agence publicitaire place de manière habituelle en situation de producteur, ledit article établissait clairement la cession de l'ensemble des droits d'exploitation des créations pour la durée légale de protection, sur le territoire français, pour l'ensemble des campagnes publicitaires, donc tout le champ de la communication du GIE MONSIEUR STORE, sur laquelle par ailleurs elle avait une certaine maîtrise dans le cadre de sa mission d'établissement des plans de communication.

La rémunération forfaitaire n'est pas irrégulière lorsque, comme en l'espèce, la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée.

Par ailleurs, il ressort des éléments au dossier que le GIE MONSIEUR STORE s'est vu facturer par la société MGA les "achats d'art" correspondant à l'acquisition des droits afférents aux oeuvres artistiques de tiers utilisées dans les productions de l'Agence. Ces rétrocessions confirment celles des créations dans lesquelles elles ont été intégrées.

Enfin, les éléments au dossier ne permettent pas de savoir pour les différentes créations la nature et la part de la contribution de l'Agence, et si cet apport constituait à chaque fois un apport susceptible de bénéficier de la protection des droits intellectuels.

Le GIE MONSIEUR STORE explique la lettre du 12 décembre 2003 à la société KSM, où il énonce qu'il n'a qu'un droit d'utilisation des illustrations litigieuses et que la société MGA en détient les droits artistiques, par son intention de faire pression sur son correspondant en utilisant la réputation de l'Agence. Le procédé n'est pas brillant, mais l'explication est admissible. La lettre n'est donc pas probante.

Le paragraphe du document de bonne conduite destiné aux adhérents du GIE MONSIEUR STORE, où il leur est rappelé qu'il est impératif pour eux, au terme des opérations ponctuelles, de récupérer et détruire les supports, du fait que le GIE n'est titulaire des droits que pour une utilisation en interne, et serait contraint de solliciter une autorisation formelle aux créateurs pour toutes autres utilisations, peut s'entendre de toutes utilisations autres que la communication du Groupe. De plus, il ne mentionne pas expressément l'Agence parmi les créateurs. Il n'est donc pas plus probant.

La société MGA n'est donc pas fondée en son action en contrefaçon.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la réclamation de la société MGA.

La Cour condamnera la société MGA à transmettre au GIE l'ensemble des fichiers nécessaires à l'exploitation des créations publicitaires réalisées pour son compte, dans le mois suivant la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois.

Le GIE MONSIEUR STORE ne rapporte pas la preuve du préjudice résultant pour lui de la rétention desdits fichiers par la société MGA. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.


- Sur la résiliation anticipée :

Il ressort des éléments au dossier qu'après juin 2004, le GIE MONSIEUR STORE a demandé à la soc MGA la transmission des fichiers source des créations sans pouvoir l'obtenir.

Cependant, le fait qu'il a en juin 2005 dénoncé le contrat du contrat à son terme normal du 31 décembre 2005 démontre qu'il ne considérait pas alors que la non-transmission des fichiers comme un manquement grave de l'Agence à ses obligations qui aurait justifié une résiliation anticipée. Il n'était donc pas fondé à rompre le contrat de façon anticipée à l'automne 2005, de surcroît au cours du préavis, pour faute de la société MGA.


- Sur la rupture brutale :

En application de l'article L. 442-6 du code de commerce :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers ... 5° de rompre brutalement... une relation commerciale établie...".

En l'espèce, par courrier du 15 juin 2005, le GIE MONSIEUR STORE a dénoncé le contrat avec effet au 31 décembre 2005, dans le respect du préavis de six mois prévu dans l'avenant signé en janvier 2001.

En premier lieu, la société MGA ne démontre pas que la dénonciation était purement formelle et que la continuité des relations n'était pas remise en cause, ce qui ne saurait résulter ni de la "neutralité" des termes du courrier, ni de la poursuite des discussions en vue de la signature d'un nouveau contrat, ni de la transmission par le GIE MONSIEUR STORE à la société MGA le 20 septembre 2005 d'une « dernière mouture » du projet de contrat non signée. En effet, d'une part, le courrier du 15 juin 2005 est formel, et sa brièveté ne le neutralise aucunement. D'autre part, les échanges pendant cette période établissent clairement que le GIE MONSIEUR STORE n'envisageait la continuation des relations commerciales que sur de nouvelles bases, sur lesquelles aucun accord définitif n'a été formalisé.

Il y a donc bien eu en juin 2005 dénonciation du contrat avec effet au 31 décembre 2005.

Le fait que la société MGA réalisait 30% de son chiffre d'affaires avec le GIE MONSIEUR STORE, selon le rapport d'expertise amiable de Monsieur Z..., ne caractérise pas une situation de dépendance économique qui aurait justifié un délai de préavis plus long que le délai contractuel de six mois, ni la durée des relations commerciales de onze années, dans un domaine d'activité qui ne nécessite pas d'investissements lourds, ou dont, en tout cas, il n'est pas justifié.

Enfin, une période de six mois laissait à la société MGA un délai suffisant pour se réorganiser et prospecter une nouvelle clientèle, étant observé que la durée a été stipulée dans l'avenant du 3 janvier 2001 après six années de partenariat, donc en connaissance de cause de la part de l'Agence.

En conséquence, la Cour confirmera le jugement déféré qui a débouté la société MGA de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.


- Sur les demandes de la société DECEMBER :

Il n'y a pas eu de contrat écrit, mais acceptation par le GIE MONSIEUR STORE de l'offre de prestations que lui a adressée la société DECEMBER le 14 décembre 2004 pour le prix de 57 740 € HT, incluant la réalisation du site internet et l'indexation manuelle, et prévoyant à l'issue du projet la livraison par DECEMBER à titre gracieux de la charte graphique web du site, ainsi que la livraison des sources.

La livraison du fichier source, qui est intervenue, impliquait nécessairement l'accord de la société DECEMBER pour l'utilisation par le GIE MONSIEUR STORE de la charte graphique pour son site internet. La cession est donc valable.

En conséquence, la Cour, par substitution de motifs, confirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société DECEMBER de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.


PAR CES MOTIFS :

La Cour

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le GIE MONSIEUR STORE a contrefait les droits d'auteur de la société MGA

Statuant à nouveau

Déboute la société MGA de ses demandes de dommages-intérêts pour contrefaçon, et de ses demandes accessoires à ce titre

Condamne la société MGA à transmettre au GIE MONSIEUR STORE l'ensemble des fichiers nécessaires à l'exploitation des créations publicitaires réalisées pour son compte, dans le mois suivant la signification de la présente décision, sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant trois mois

Déboute le GIE MONSIEUR STORE de sa demande de dommages-intérêts

Confirme le jugement déféré pour le surplus

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société MGA et la société DECEMBER conjointement aux dépens, avec distraction au profit de la SCP LAFFLY-WICKY, avoués, sur son affirmation de droit.









 

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