DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. civ. 2, 9 mars 1994
pourvoi 93-12.866

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 9 mars 1994 (pourvoi 93-12.866)

Cour de cassation, 2ème chambre civile
9 mars 1994, pourvoi 93-12.866

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / La société Wang laboratoires incorporated (inc.), société de droit américain dont le siège est ..., Lowell MA 011851 (Etats-Unis),

2 / L'Agence pour la protection des programmes, dont le siège est ... (19e),

3 / La société Wang France, société anonyme dont le siège est 10, place de la Coupole à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), en cassation d'une ordonnance rendue le 15 mars 1993 par le premier président de la cour d'appel de Paris, au profit de la société à responsabilité limitée EDA, dont le siège est ... au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1994, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Buffet, conseiller rapporteur, MM. Laplace, Chartier, Mme Vigroux, M. Colcombet, Mme Gautier, M. Chardon, conseillers, M. Bonnet, conseiller référendaire, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Buffet, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Wang laboratoires inc., de l'Agence pour la protection des programmes et la société Wang France, de Me Guinard, avocat de la société EDA, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les énonciations de l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel de Paris, 15 mars 1993) et les productions, qu'un tribunal de grande instance a déclaré que plusieurs sociétés ou organismes, dont la société EDA, disposaient de versions contrefaites de logiciels Wang et, avec exécution provisoire, leur a interdit la poursuite des actes de contrefaçon et les a condamnés à remettre à la société Wang France toutes les copies illicites de logiciels pour qu'elles soient détruites à leurs frais ; que la société EDA a relevé appel de ce jugement et a sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance d'avoir suspendu l'exécution du jugement en ce qui concerne la société EDA, alors, selon le moyen, que, d'une part, en déduisant le caractère manifestement excessif de l'exécution provisoire ordonnée d'une appréciation portée sur les mérites de la décision des premiers juges et la non-compatibilité de cette exécution avec la matière, la contrefaçon de logiciels, sans rechercher si, compte-tenu de ses facultés réelles et de celles des sociétés Wang, la société EDA pouvait ne pas poursuivre les actes de contrefaçon dont elle était déclarée coupable, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, en énonçant que tout plaideur ayant droit que les preuves nécessaires au soutien de ses prétentions puissent être conservées, au moins jusqu'à ce qu'une solution définitive soit apportée au litige, la destruction des

logiciels incriminés, avant toute décision en dernier ressort, aurait des conséquences manifestement excessives, le premier président a violé le même article du nouveau Code de procédure civile, en déduisant ainsi le caractère manifestement excessif de l'exécution provisoire ordonnée d'une appréciation portée sur les éléments de preuve nécessaires au soutien de l'appel et seuls admissibles ; alors qu'enfin, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en ne répondant pas aux conclusions des sociétés Wang et de l'Agence pour la protection des programmes qui faisaient valoir que si, par impossible, le premier président estimait devoir surseoir à la destruction des logiciels, ils n'étaient pas opposés à un aménagement sur ce point de l'exécution provisoire, pourvu que la mesure correspondante soit ordonnée aux frais avancés des demandeurs, sous le contrôle d'un expert, et garantisse que les logiciels contrefaisants seraient retirés de la possession de ces derniers ;

Mais attendu que, sans porter une appréciation sur la décision des premiers juges, l'ordonnance retient que l'interdiction immédiate d'utiliser les produits informatiques saisis, qui empêcherait les activités de formation et de développement au sein de la société EDA, priverait celle-ci de son outil de travail et la contraindrait à la liquidation et à mettre son personnel au chômage, étant par ailleurs acquis aux débats qu'elle ne peut se procurer des logiciels auprès de Wang, aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par ces énonciations et constatations qui relèvent de son pouvoir souverain, le premier président, qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que la société EDA sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de sept mille francs (7 000) ;

Mais attendu qu'il serait inéquitable d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

REJETTE également la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les demanderesses, envers la société EDA, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


 

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