DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. civ. 1, 12 juillet 2012
pourvoi 11-20.358

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 12 juillet 2012 (pourvoi 11-20.358)

Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juillet 2012, pourvoi 11-20.358

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et cinquième branches :

Vu les articles L. 335-4 et L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), qui représente, en France, des sociétés de l'industrie phonographique et regroupe des membres titulaires, sur leurs enregistrements, de droits voisins du droit d'auteur, en qualité de producteurs de phonogrammes et de cessionnaires de droits d'artistes-interprètes, a fait constater par huissier de justice, en février et mars 2010, que la fonctionnalité Google Suggestions du moteur de recherche Google, dont le principe est de proposer aux internautes des termes de recherche supplémentaires associés automatiquement à ceux de la requête initiale en fonction du nombre de saisies, suggérait systématiquement d'associer à la saisie de requêtes portant sur des noms d'artistes ou sur des titres de chansons ou d'albums les mots-clés "Torrent", "Megaupload" ou "Rapidshare", qui sont, respectivement, le premier, un système d'échange de fichiers et, les deux autres, des sites d'hébergement de fichiers, offrant la mise à disposition au public et permettant le téléchargement des enregistrements de certains artistes-interprètes ;

Attendu que pour débouter le SNEP de sa demande tendant à voir ordonner aux sociétés Google France et Google Inc la suppression des termes "Torrent", "Megaupload" et "Rapidshare" des suggestions proposées sur le moteur de recherche à l'adresse www.google.com et, subsidiairement, à leur interdire de proposer sur ledit moteur de recherche des suggestions associant ces termes aux noms d'artistes et/ou aux titres d'albums ou de chansons, l'arrêt retient que la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle-même une atteinte au droit d'auteur dès lors que, d'une part, les fichiers figurant sur ceux-ci ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux, qu'en effet, l'échange de fichiers contenant des oeuvres protégées notamment musicales sans autorisation ne rend pas ces sites en eux-mêmes illicites, que c'est l'utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les utilisent qui peut devenir illicite, que, d'autre part, la suggestion automatique de ces sites ne peut générer une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin que si l'internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé et figurant en fichier sur ces sites, que les sociétés Google ne peuvent être tenues pour responsables du contenu éventuellement illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés ni des actes des internautes recourant au moteur de recherche, que le téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l'internaute dont les sociétés Google ne peuvent être déclarées responsables, que, de plus, la suppression des termes "Torrent", "Rapidshare" et "Megaupload" rend simplement moins facile la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les connaîtraient pas encore et que le filtrage et la suppression de la suggestion ne sont pas de nature à empêcher le téléchargement illégal de phonogrammes ou d'oeuvres protégées par le SNEP dès lors qu'un tel téléchargement résulte d'un acte volontaire et réfléchi de l'internaute et que le contenu litigieux reste accessible en dépit de la suppression de la suggestion ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi quand, d'une part, le service de communication au public en ligne des sociétés Google orientait systématiquement les internautes, par l'apparition des mots-clés suggérés en fonction du nombre de requêtes, vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l'autorisation des artistes-interprètes ou des producteurs de phonogrammes, de sorte que ce service offrait les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins, et quand, d'autre part, les mesures sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la suppression de l'association automatique des mots-clés avec les termes des requêtes, de la part des sociétés Google qui pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux, sans, pour autant, qu'il y ait lieu d'en attendre une efficacité totale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne les sociétés Google France et Google Inc. aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Google France et Google Inc. ; les condamne à payer la somme de 3 000 euros au Syndicat national de l'édition phonographique ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national de l'édition phonographique


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le Syndicat National de l'Edition Phonographique de ses demandes tendant à voir obtenir une mesure de suppression sous astreinte des mots-clés « torrent », « megaupload » et « rapidshare » au sein de toute suggestion proposée sur le moteur de recherche Google ou, à titre subsidiaire, une mesure de suppression sous astreinte de toute suggestion de recherche associant ces mots-clés au nom d'artistes et/ou d'album ou de chansons fournis par le SNEP ;

AUX MOTIFS QUE le SNEP expose que les trois termes incriminés correspondent à trois modes de partage illégal de fichiers, qu'il n'existe pas de moteur de recherche intégré pour localiser ces fichiers et que les internautes trouvent donc des liens incluant ces termes sur les moteurs de recherche tels que celui de GOOGLE ; qu'il ajoute que GOOGLE Suggestion est une fonctionnalité par défaut de ce moteur de recherche qui devient incitative en raison de la part de marché du moteur de recherche GOOGLE ; que le SNEP mentionne ne pas avoir recherché la responsabilité des deux sociétés mises en cause mais a entendu bénéficier des dispositions de l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle pour que soient ordonnées des mesures proportionnées aux comportements en cause afin d'éviter les atteintes dont l'accès est suggéré par le moteur de recherche ; qu'il soutient que des atteintes aux droits des producteurs ont été constatées ainsi que cela résulte des procès-verbaux versés aux débats, que celles-ci ne découlent pas seulement du téléchargement mais aussi de la mise à disposition illicite et que cela est sanctionné notamment par l'article L 335-4 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il considère que la fonctionnalité offerte par GOOGLE procure un raccourci vers des fichiers illicites et est donc de ce chef répréhensible ; qu'il déclare qu'un risque important d'atteintes subsiste et que la suppression des trois mots-clés est une mesure proportionnée au but poursuivi et efficace contre le piratage en ligne, le déférencement des liens étant insuffisant ; que le SNEP estime qu'en tant qu'éditeurs de leur site et exploitants de leur moteur de recherche, les intimées sont capables de prendre les mesures demandées ; qu'il ajoute que le texte ne vise pas seulement les hébergeurs et fournisseurs d'accès ; que les sociétés GOOGLE estiment que l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ne pouvait pas s'appliquer dès lors que l'atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin n'était pas rapportée, que l'atteinte n'est pas constituée par l'affichage de termes de recherche litigieux dans le cadre de la fonctionnalité semi-automatique ; qu'elles ajoutent que les termes permettent l'accès à des protocoles et sites qui ne sont pas en eux-mêmes illicites s'agissant de sites de partage de fichiers, que seul l'usage qui peut être fait de ces protocoles est potentiellement répréhensible ; qu'elles indiquent que l'article ne vise qu'une personne susceptible de contribuer à remédier à l'atteinte et que si la cour devait faire application du texte précité, elle devrait constater que la suppression des termes n'est pas de nature à faire cesser l'atteinte dès lors que celle-ci reste possible sur les sites incriminés malgré l'éventuelle suppression de la fonctionnalité de saisie semi-automatique et qu'une telle mesure n'est pas efficace ; qu'elles considèrent qu'une telle suppression est de ce fait disproportionnée dès lors que les sites sont licites ; qu'elles ajoutent que les moteurs de recherche ne figurent pas parmi les personnes visées à l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, celui-ci ne visant que les prestataires de stockage et les hébergeurs ; que les intimées déclarent que désormais la fonctionnalité de saisie semi-automatique ne génère plus l'apparition des termes visés par le SNEP à la suite de la saisie d'un nom d'artiste et/ou d'album ; qu'elles indiquent que le moteur de recherche GOOGLE n'est pas à l'origine des mises à disposition et qu'il ne stocke pas les fichiers ou pages en cause sur ses serveurs, qu'il se contente d'indexer automatiquement le contenu du web aux requêtes des internautes et qu'il suffit à tout ayant droit dont les droits d'auteur sont méconnus de solliciter la désindexation et la suppression de cette page du moteur et qu'en l'espèce, les sociétés GOOGLE se sont conformée aux demandes de déférencement formulées par le SNEP ; qu'aux termes de l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 12 juin 2009, « En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visés à l'article L 321-1 ou des organismes de défense professionnels visés à l'article L 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou à un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier » ; que pour démontrer le bien-fondé de ses demandes, le SNEP produit un constat d'huissier des 24 février et 1er mars 2010 qui fait apparaître qu'à la demande de l'internaute relative à un artiste ou une chanson ou un album, les suggestions proposées par GOOGLE mènent vers les sites « torrent », « megaupload », « rapidshare » et que ceux-ci entraînent l'internaute vers du téléchargement non autorisé ; que contrairement à ce que prétendent les intimées, le texte précité n'a pas entendu limiter son application aux seuls hébergeurs et fournisseurs d'accès dès lors qu'il a retenu la formule générale et non limitative « toute personne susceptible de contribuer à y remédier » ; que les sociétés intimées ne sauraient donc échapper pour ce motif à la demande ; que, par ailleurs, l'argument du droit à l'information consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne saurait prospérer dès lors que l'exercice de cette liberté comporte des devoirs et des responsabilités et peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions et sanctions prévues par la loi notamment relativement à la protection des droits d'autrui ; que, néanmoins, pour être applicable, le texte précité suppose la présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ; qu'en l'espèce, le service GOOGLE Suggest est un service qui fonctionne de manière automatique en fournissant aux internautes un accès automatique aux requêtes des autres internautes, que les résultats affichés sont dépendants d'un algorithme basé sur les recherches des autres internautes, que l'ordre de ces requêtes est déterminé par la quantité d'internautes ayant utilisé chacune de ces requêtes concernées, qu'il permet éventuellement à l'internaute de trouver des critères de recherche supplémentaires basés sur les recherches des autres utilisateurs de GOOGLE ; qu'au vu du constat précité, l'affichage des suggestions correspond donc aux requêtes des autres internautes ayant procédé à une recherche sur le titre, l'artiste ou l'album associée aux sites « torrent », « megaupload », « rapidshare » ; que « torrent » est un protocole de transfert de données pair à pair à travers un réseau informatique, que « megaupload » est un site web permettant à un internaute de mettre en ligne tout type de fichier et que « rapidshare » est un site web proposant aussi un service d'hébergement de fichiers ; que la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle-même une atteinte au droit d'auteur dès lors que, d'une part, les fichiers figurant sur ces sites ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux ; qu'en effet, l'échange de fichiers contenant des oeuvres protégées notamment musicales sans autorisation ne rend pas ces sites en eux-mêmes illicites ; que c'est l'utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les utilisent qui peut devenir illicite ; que, d'autre part, la suggestion automatique de ces sites ne peut générer une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin que si l'internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé et figurant en fichier sur ces sites ; que les sociétés GOOGLE ne peuvent être tenues pour responsables du contenu éventuellement illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés ni des actes des internautes recourant au moteur de recherche ; que le téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l'internaute dont les sociétés GOOGLE ne peuvent être déclarées responsables ; que, de plus, le fait que les sociétés GOOGLE aient procédé à une opération de filtrage des suggestions ne signifie pas qu'elles ont acquiescé à la demande et reconnu leur responsabilité ; que la suppression des termes « torrent », « rapidshare » et « megaupload » rend simplement moins facile la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les connaîtraient pas encore ; qu'elle n'empêche pas ceux qui les connaissent de les trouver en tapant directement leur nom sur le moteur de recherche ; qu'en tout état de cause, ce filtrage et cette suppression de la suggestion n'est pas de nature à empêcher le téléchargement illégal de phonogrammes ou d'oeuvres protégés par le SNEP dès lors qu'un tel téléchargement résulte d'un acte volontaire et réfléchi de l'internaute ; qu'en effet, le contenu litigieux reste accessible en dépit de la suppression de la suggestion ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner la demande de suppression ou d'interdiction sollicitée par le SNEP dès lors que l'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne n'est pas démontrée ;

1 ) ALORS QU' en présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ; que ces dispositions, qui visent l'existence d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, n'exigent nullement la démonstration de ce que la personne, à l'encontre de laquelle des mesures sont sollicitées, était l'auteur de cette atteinte, permettant, au contraire, que puissent être ordonnées des mesures à l'encontre de « toute personne susceptible de contribuer à y remédier »; qu'en énonçant, pour dire que l'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication en ligne n'était pas démontrée, partant rejeter les demandes du SNEP, que la suggestion des sites « torrent », « megaupload », « rapidshare » par le moteur de recherche GOOGLE ne constituait pas en elle-même une atteinte au droit d'auteur dès lors que, d'une part, les fichiers figurant sur ces sites ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux et que, d'autre part, la suggestion automatique de ces sites ne peut générer une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin que si l'internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé et figurant en fichier sur ces sites, la cour d'appel, qui a ainsi subordonné la faculté d'ordonner des mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou un droit voisin, à la démonstration de ce qu'une telle atteinte aurait été commise par la personne même à l'encontre de laquelle les mesures sont sollicitées, a ajouté aux dispositions de l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, en violation de ce texte ;

2) ALORS QU' en présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ; que constitue une atteinte au droit d'auteur ou aux droits voisins occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, la mise à disposition du public, sans autorisation des titulaires des droits, d'une oeuvre, de sorte qu'il puisse y être accédé à travers les réseaux ; que la cour d'appel a expressément constaté que le SNEP avait produit un constat d'huissier en date des 24 février et 1er mars 2010 faisant apparaître qu'à la demande de l'internaute relative à un artiste ou une chanson ou un album, les suggestions proposées par GOOGLE mènent vers les sites « torrent », « megaupload », « rapidshare » et que ceux-ci entraînent l'internaute vers du téléchargement non autorisé ; qu'il résulte de ce seul constat qu'est effectivement mis à la disposition du public, par l'intermédiaire d'un service de communication en ligne permettant l'échange de fichiers, les phonogrammes, objets du constat, sans autorisation des titulaires de droits, partant l'existence certaine d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter le SNEP de ses demandes, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la demande de suppression ou d'interdiction sollicitée, dès lors que l'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication en ligne n'était pas démontrée, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L 213-1, L 212-3 et L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ;

3) ALORS QU'à supposer même que l'on retienne, à l'instar de la cour d'appel, que l'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin ne serait constituée que par le téléchargement, sans autorisation, d'un fichier contenant un phonogramme protégé, la cour d'appel a expressément relevé, au vu des constats d'huissier précités, que le moteur de recherche GOOGLE suggérait, en suite d'une demande relative à un artiste, une chanson ou un album, des requêtes contenant les termes « torrent », « megaupload », « rapidshare » et que l'affichage de ces suggestions reflétait l'importance en nombre des requêtes précédentes des internautes ayant associé le nom de l'artiste, de la chanson ou de l'album à ces sites ; qu'il ressortait de ces seules constatations que des téléchargements de phonogrammes sans autorisation des titulaires des droits, avaient été effectivement commis, via les sites « torrent », « megaupload » et « rapidshare », dans des proportions telles que le moteur de recherche GOOGLE suggérait automatiquement et dans les toutes premières suggestions d'associer le nom de l'artiste, de la chanson ou de l'album à des sites permettant le téléchargement des oeuvres ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter le SNEP de ses demandes, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la demande de suppression ou d'interdiction sollicitée, dès lors que l'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication en ligne n'était pas démontrée, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L 213-1, L 212-3 et L 336-2 du code de la propriété intellectuelle ;

4 ) ALORS QU' en présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ; que ces dispositions de l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle n'ont ni pour fondement, ni pour objet la responsabilité civile née de l'atteinte portée au droit d'auteur ou au droit voisin mais la nécessité de prévenir ou faire cesser de telles atteintes par la faculté donnée aux juges d'ordonner à toute personne, susceptible d'y contribuer les mesures qu'il estime, à cette fin, appropriées ; qu'en énonçant, pour débouter le SNEP de ses demandes de suppression des termes « torrent », « megaupload », « rapidshare », dans les suggestions du moteur de recherche GOOGLE, que « les sociétés GOOGLE ne peuvent être responsables du contenu éventuellement illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés ni des actes des internautes recourant au moteur de recherche », que « le téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l'internaute dont les sociétés GOOGLE ne peuvent être déclarées responsables » et que « le fait que les sociétés GOOGLE aient procédé à une opération de filtrage des suggestions ne signifie pas qu'elles ont acquiescé à la demande et reconnu leur responsabilité », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant, ce faisant, sa décision de toute base légale au regard de l'article L 336-2 susvisé ;

5 ) ALORS QU' en présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ; que ces dispositions n'exigent nullement que les mesures sollicitées aient pour effet de mettre entièrement fin aux atteintes invoquées ou aux atteintes ultérieures mais seulement qu'elles contribuent à y remédier ; qu'en énonçant, pour débouter le SNEP de ses demandes de suppression des termes « torrent », « megaupload », « rapidshare », dans les suggestions du moteur de recherche GOOGLE, que « la suppression des termes « torrent », « rapidshare » et « megaupload » rend simplement moins facile la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les connaîtraient pas encore », « qu'elle n'empêche pas ceux qui les connaissent de les trouver en tapant directement leur nom sur le moteur de recherche », et « qu'en tout état de cause, ce filtrage et cette suppression de la suggestion n'est pas de nature à empêcher le téléchargement illégal de phonogrammes ou d'oeuvres protégés par le SNEP dès lors qu'un tel téléchargement résulte d'un acte volontaire et réfléchi de l'internaute », « qu'en effet, le contenu litigieux reste accessible en dépit de la suppression de la suggestion », la cour d'appel, qui a subordonné la faculté pour le juge d'ordonner des mesures propres à prévenir ou faire cesser une atteinte au droit d'auteur ou à un droit voisin au constat de ce que la mesure sollicitée empêcherait totalement toute atteinte, a, de ce chef encore, ajouté aux dispositions de l'article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, en violation de ce texte.


 

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